Changements sur Kindle Unlimited

Si vous êtes dans le programme KDP (ou peut-être seulement si vous êtes dans KDP Select), vous avez du recevoir ce 15 juin un email de KDP qui contient cette information :

Nous cherchons en permanence à améliorer nos programmes. Or, nous avons reçu énormément de commentaires très intéressants concernant le mode de rétribution des auteurs KDP dont les livres figurent dans Kindle Unlimited. Un commentaire qui revenait souvent de la part des auteurs concernait le fait que le versement était le même quelle que soit la longueur du livre, et que cela ne permettait peut-être pas un alignement suffisant entre les intérêts des auteurs et ceux des lecteurs. Et nous sommes d’accord. Sur la base de ces commentaires, nous avons donc décidé qu’à partir du 1er juillet, les versements effectués dans le cadre du Fonds mondial KDP Select seraient basés sur le nombre de pages lues par les clients via les programmes KU et KOLL.

C’est un changement important dans la manière dont sont rétribués les livres qui sont lus par nos lecteurs dans Kindle Unlimited (KU). Il a des avantages, il a des inconvénients.

Suit un exemple mathématiquement juste, mais avec des données que peu d’auteurs français comprendront (“quoi, 100 KU par mois, mais moi j’en ai 15 à tout casser”).

Imaginez que vous écriviez un livre de 100 000 mots environ, 400 pages en bon français (le français est presque aussi long que l’allemand). Vous vendez ce roman assez conséquent quand même pour 3,99€, ce qui n’est déjà pas beaucoup par rapport à une édition papier. Avec Kindle Unlimited, aujourd’hui encore, vous touchiez environ 1,35€ dès qu’un lecteur KU dépassait les 10% de lecture.

1,35€ contre 2,65€ cela fait un peu mal. Et si votre livre est plus cher (4,99€, 5,99€), vous ne touchiez quand même que 1,35€. Le manque à gagner avec Kindle Unlimited pour un auteur qui produisait des romans volumineux était quand même conséquent.

J’en discutais avec une auteur anglo saxonne cet après midi : nous étions arrivés à la conclusion que KDP Select n’était pas intéressant avec son livre à 4,99 € car les gains KU étaient trop faibles. Et donc le risque économique trop important.

A l’inverse, vous faisiez un livre de 30 pages à 0,99€. Lu par un lecteur KU, il vous rapportait 1,35€, au lieu de 33 cents.

Sur un marché ou Kindle Unlimited devient de plus en plus important en volume, ce contrat et ce type de distribution favorisait les auteurs et éditeurs qui publiaient de petits livres, et défavorisait les autres.

Et je ne parle pas des groupements de livre (“Episode de 1 à 5”, “tome 1 à 3”). Ces produits sont plus chers en général et subissaient encore plus la différence de rémunération.

La France n’est pas touchée, mais il semble que les Etats Unis et le Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord (j’ai toujours voulu le placer) ont vu plus de petits livres apparaître ces derniers mois. Certains auteurs indépendants s’en sont plaints, d’autres en ont profité.

Et certains qui ne sont pas vraiment des “auteurs” mais des personnes qui tirent parti de toutes les failles du système (oui, j’ai un œil sur toi, Warrior Forum !) ont franchement abusé du programme KU.

En France, prenons le cas d’un autoédité connu, et dont de nombreux livres sont sur KDP Select (et donc dans Kindle Unlimited) : Jacques Vandroux. Le changement de modèle de paiement est à son avantage, avec ses gros romans comme Projet Anastasis de 524 pages à 3,99€ (“Ludlum n’a qu’à bien se tenir” a dit un commentateur avisé). Ou non, sur des livres comme Décollage imminent… 50 pages,  0,99€.

Il est aujourd’hui impossible de dire quel sera l’impact de cette modification sur ses royalties. Mais je suppute que Projet Anastasis se vend mieux que Décollage Imminent, et que pour un lecteur KU, il est plus intéressant d’avoir un gros livre de 524 pages avec son abonnement. In fine, on peut espérer que cela serve l’intérêt des indépendants. Et des maisons d’édition traditionnelles aussi, tiens.

Aloyssius Chabossot avec son “Fallait pas l’inviter” de 116 pages sera moins bien rétribué probablement, mais Amélie Antoine avec son “Fidèle au Poste” de 312 pages touchera peut-être un peu plus d’argent que 1,35€. Chacun verra midi à sa porte.

Mais tout le monde retrouvera une rétribution proportionnelle au nombre de pages lues.

Le critère de base de l’édition papier.

En tout cas, plus personne ne cherchera à jouer le système de paiement de Kindle Unlimited en s’engouffrant dans une brèche de manière systémique.

Le plus grand vainqueur dans ce cas sera le lecteur. Ce qui est bon pour le lecteur est bon pour Amazon, qui est bon pour les auteurs indépendants qui publient sur cette plateforme.

Dans cette annonce, est aussi important la tournure de phrase concernant le retour des auteurs auprès d’Amazon. Ce changement de politique n’a pas été fait au débotté. Cela fait donc forcément plusieurs mois que c’est en préparation. Et donc plusieurs mois qu’Amazon a décidé d’écouter les éditeurs et indépendants qui réclamaient un système de rétribution plus adéquat. C’est peut-être un spin-doctor qui a écrit ce paragraphe, mais il a vraiment le ton de l’honnêteté. Alors donnons à Amazon le bénéfice du doute : avec ce changement, les intérêts du lecteur et de l’auteur sont alignés. Si on est indépendant.

D’autres informations importantes :

  • le montant du fonds mondial KDP Select pour le mois de mai. 9,2 millions d'euros, soit presque le double de l'année dernière.
  • les lecteurs KU renouvellent à 95% leur abonnement. Continuer à rendre KU attirant pour les auteurs qui produisent des ouvrages de qualité, permet de conserver une offre large.

Assez cyniquement, on peut aussi remarquer que si la taille moyenne d’un livre KU augmente à nouveau, c’est un meilleur rapport livres lus/lecteur qui va apparaître. Sur 100 lecteurs, cela n’a pas forcément un gros impact, mais sur 100 000, oui.

Là où cela n’arrangera pas les affaires d’Amazon en France, c’est qu’il deviendra encore plus difficile de savoir quel est le prix d’un livre avec ce système. Souvenez vous que la loi de 2011 veut que l’éditeur conserve la maîtrise du prix ou du barème de prix acquitté par l’acheteur. C’est encore moins le cas ici.

Si vous êtes touché par ce changement, vous pouvez commenter ici, ou sur Facebook.

PS : oui, mes livres ne font pas 90 000 mots. Non, je les ai fait courts pour d’autres raisons que pour abuser KU (ça m’est même pas venu à l’idée).

PPS : je n’ai pas encore réussi à faire tourner le nouvel outil de conseil sur les prix d’Amazon. Si vous arrivez à l’exploiter, ça m’intéresse. Mais je suis sûr qu’il va recommander des prix plus élevés pour de nombreuses personnes, sur la base du nombre de pages.