Les réponses à vos questions sur les ebooks – Jour 10

Je vais aussi profiter de ce week end pour traiter de petites questions qui ne sont pas si importantes pour vous, mais qui concernent l’édition traditionnelle en général, et expliquent l’environnement.

19. Est ce que la distribution en supermarché et grands distributeurs aide les éditeurs ?

Ce type de distribution est celui qui est apparu dans les années 70 en France. Les hypermarchés se sont mis à acheter des livres et à les vendre. Mais les hypermarchés représentent le niveau ultime de la consommation.

  • Ils vont avoir peu de références (un catalogue assez peu fourni),
  • ils vont faire des promotions sur ces livres.

En conséquence, ils vont vendre beaucoup (en quantité) de peu (en diversité) de livres.

Pas question de trouver les 72 000 ouvrages sortis en 2013 dans les rayons des hypermarchés.

Par contre, les éditeurs les plus importants aiment (adorent) vendre beaucoup d’exemplaires des livres qui marchent le mieux chez eux. Avec les hypers ils ont un partenaire qui va leur permettre de faire de gros volumes.

Alors pourquoi la loi Lang sur le prix unique du livre ? Eh bien cela avait un impact sur la diversité du catalogue : laisser la part de marché des hypers dans la distribution des livres devenir plus importante leur donnait du pouvoir, réduisait le choix des livres et mettait en danger les libraires indépendants.

Pour les éditeurs qui font des best sellers, c’est donc neutre. C’est plus douloureux pour les autres éditeurs.

Maintenant, avec internet, il s’est produit quelque chose qui n’existait pas avant : la possibilité de mettre en stock et de vendre des produits de la “longue queue” : ces produits qui n’intéressent pas beaucoup de personnes, mais quand même, un nombre non inexistant.

Avec les plateformes type Kindle ou iBooks, et avec les catalogues de livres en ligne s’est produit le contraire de la concentration vécue avec les hypers ou les grandes surfaces culturelles.

20. Est ce qu'Amazon va détruire les éditeurs et les dominer ?

Depuis mars 2014, on parle beaucoup du problème de distribution des livres du groupe Hachette aux Etats Unis. Je n’ai pas assez de connaissances du marché du livre pour dire si cela touche aussi les livres du Groupe Hachette en France.

Le bras de fer entre un éditeur et un distributeur n’est jamais profitable. Ni à l’un, ni à l’autre, ni aux consommateurs ou aux auteurs.

Le relais que ce bras de fer a dans l’actualité et dans le cercle des auteurs montre a quel point Amazon est aujourd’hui dans un rôle majeur pour tous les éditeurs et les auteurs.

Maintenant, Amazon a besoin des éditeurs. Ils essayent de devenir eux aussi éditeurs, c’est pour dire à quel point ils pensent que ce rôle est important. Certes il draguent les auteurs auto-édités, mais ceux-ci restent peu nombreux. Sans éditeurs, Amazon aurait moins de livres à vendre, donc ils ne peuvent être dans une situation de domination absolue.

On en arrive à une relation de symbiose, et non pas de parasitage. Le conflit entre Amazon et certains éditeurs n’en est que plus regrettable.

Quelle est la position de ces éditeurs ? Agissent-ils vraiment dans le meilleur intérêt des lecteurs et des auteurs ? Non, évidemment, leurs intérêts à eux sont les plus importants. Et ils veulent aujourd’hui rester les garde-barrière de l’édition en général.

21. Est ce que le marché de l'édition a appris quelque chose de l'industrie du disque ?

J’ai déjà un peu abordé la question en parlant des DRM et du piratage. L’industrie du disque a peiné à passer au numérique. Ils ont tout fait pour en rester au CD.

Mais les utilisateurs les ont pris de devant avec le format mp3, un format “suffisant” pour la musique, facile à partager.

Ensuite Napster est arrivé et le partage “illégal” de mp3 a pris énormément d’ampleur. Les utilisateurs, les auditeurs de musique voulaient des titres de musique au format single, et facilement disponibles au même moment que les sorties CD.

Heureusement pour les éditeurs de CD, iTunes est arrivé. D’abord complètement opposés à la distribution de titres un par un, ils ont finalement apprécié le fait d’avoir de nouveaux revenus, de plus en plus importants au fur et à mesure. Ils en sont venus à majoritairement abandonner les protections anti copie de type DRM : les clients n’en veulent pas, et en fait, seule une partie de la population des auditeurs se partage de la musique s’il y a une offre sérieuse et large comme iTunes.

Il faut bien le dire, les gens qui aujourd’hui s’échangent de la musique sont soit des gens qui ne l’achèteraient pas (ce ne sont pas des consommateurs à la base), soit des gens dont le besoin n’est pas aujourd’hui pris en compte : fichiers de meilleure qualité, problèmes de territoires (un disque distribué dans un territoire mais pas dans un autre), indisponibilité dans des formats sans verrou numérique.

Est-ce qu’aujourd’hui les éditeurs de livres publient les livres au format e-book en même temps que papier, à des tarifs raisonnables, sans verrou numérique qui dégrade le produit vendu ? Rarement.

Ils ont de la chance, il n’existe pas de Napster de l’ebook, et la consommation de livres est moins immédiate que celle de titres musicaux.

Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut ignorer les mésaventures de l’industrie du disque et reproduire leurs erreurs. Traiter les lecteurs comme des pirates en puissance ou les empêcher de lire le livre qu’ils veulent, le vendre à un prix à peine inférieur au prix du broché alors que le coût de fabrication et de distribution n’a aucune commune mesure, c’est se moquer des lecteurs, et donc de l’auteur.