Mes prédictions pour 2016

Ah ah , voilà le retour de Nostradamus !

Je n’ai pas utilisé le subtil esprit du feu, mais le subtil esprit de l’eau de feu (japonaise s’il vous plait) pour écrire mes prophéties. Donc prenez-les avec le sérieux qu’elles méritent. On verra si je suis capable de sortir autre chose que des élucubrations éthyliques…

Ces prédictions sont bien entendu nourries par les réflexions de personnes plus expérimentées et observatrices que moi. Mark Coker, Jane Friedman, et d’autres. Elles sont aussi nourries de ma propre expérience et vision du marché de l’édition numérique dans notre douce francophonie conservatrice libérale socialiste.

Je vais beaucoup parler d’Amazon car c’est le principal acteur, donc celui qui a le plus d’impact sur l’édition numérique. Mais je n’ai aucune action chez eux (j’ai plutôt racheté 2 actions Apple aujourd’hui).

1. Amazon KDP Select va rendre les conditions d’exclusivité plus sévères

Les auteurs indépendants sont le fer de lance de la stratégie de conquête d’Amazon, et KDP Select la carotte qu’Amazon utilise pour les rendre dépendants à Amazon, exclusifs même.

Pour ceux qui ne savent toujours pas ce qu’est KDP select, c’est un programme qui accorde à Amazon Kindle l’exclusivité sur la version numérique d’un titre en échange de certains avantages. L’avantage le plus important aujourd’hui est la participation au programme Kindle Unlimited, dont je parlerai plus tard.

Aujourd’hui, pour avoir la chance d’être dans un offre éclair d’Amazon, cette offre promotionnelle qui peut vous amener au premier rang des ventes pendant plusieurs jours (exemple récent : l’excellent Un Sac de Solène Bakowski), il faut être dans KDP Select.

Pour avoir une chance d’être devant les autres, il vaut mieux être dans KDP Select, car Amazon compte un emprunt dans le programme Kindle Unlimited comme une vente. Sur les 12 premiers titres Kindle, 11 sont dans Kindle Unlimited. 16 sur les 20 premiers.

Aujourd’hui le programme dure 3 mois, c’est à dire que vous inscrivez un titre pour 3 mois dans KDP Select, vous bénéficiez des avantages correspondants, et à la fin des 3 mois, vous avez la possibilité de sortir le titre du programme ou de continuer.

Je prédis qu’Amazon risque de rallonger la durée de l’inscription. Ou le réserver aux nouveaux titres. C’est à dire qu’on pourra rentrer dans KDP Select seulement au lancement. Ainsi les titres sortiront en exclusivité sur Amazon Kindle, et seront sur les autres plateformes après, au bout de 3 ou 4 mois.

Il ne faut pas se leurrer, les meilleures ventes d’un titre se font quand même dans les premiers mois. C’est le moment où il y a plus de ventes, mais aussi plus de lecteurs potentiels. Les plateformes concurrentes se verront alors privées des meilleures sorties.

2. Kindle Unlimited va devenir de moins en moins intéressant pour les auteurs…

… mais ils resteront. Il vaut mieux gagner des miettes sur les lecteurs Kindle Unlimited que ne pas les avoir. Voir plus haut l’intérêt de KDP Select (qui entretient des rapports incestueux avec Kindle Unlimited).

Novembre 12.7 Millions de dollars - 2.6 Milliards de pages lues

Juillet 11 Millions de dollars - 1.9 Milliards de pages lues

Si vous faites les maths : de plus en plus de pages lues, de plus en plus d’argent dans le fonds, mais pas avec la même progression.

Le modèle économique de Kindle Unlimited n’est pas équilibré. Les abonnés Kindle Unlimited lisent de plus en plus, mais le fond qui rétribue les auteurs n’augmente pas dans les mêmes proportions. Déjà la somme payée par KENPC (en gros la page lue) est passé de 0.0057 USD à 0.0049 USD entre juillet et novembre, régulièrement.

Par à-coups, la rétribution de la page lue va continuer à baisser partout dans le monde. Mais les auteurs continueront à aller sur Kindle Unlimited et ne feront pas le choix du boycott.

3. Kindle va étendre le programme All-Star à la France

Le programme All-Star est un programme de bonus pour les auteurs et les livres inscrits sur KDP Select qui sont les meilleurs vendeurs.

Je m’attends à ce qu’Amazon étende le programme à la France pour que les auteurs restent bien dans KDP Select, en donnant toutefois des bonus inférieurs à ceux d’Amazon.co.uk, disons de moitié.

4. La page de description des ebooks Kindle va changer

Il ne nous aura fallu que deux ans pour que nous ayons enfin accès à la fonction “Feuilleter” sur les livres Kindle, disponible aux États-Unis bien avant la France. Il est possible qu’Amazon mette les doigts dans la prise et ne mette qu’un an pour changer la page de description pour qu’elle soit plus proche de ce qu’il y a sur Amazon.com.

Une description en FranceLe même titre aux USA

5. Les éditeurs traditionnels vont dire que les ebooks c’est naze

En regardant les ventes de leur fenêtre, les éditeurs traditionnels vont continuer à dire que les ebooks, c’est un marché qui ne décolle pas. Evidemment, en continuant à mettre les nouveaux titres à 14,99, même pour du numérique, il ne faut pas s’étonner que les clients achètent des titres d’auteurs autoédités après avoir regardé votre article, messieurs.

6. La ministre de la culture va nous sortir une loi ou un règlement anti-Amazon

Un de plus. Parce qu’au cours d’un déjeuner, un éditeur ou un copain d’un éditeur lui en aura glissé deux mots. Oui, la politique en France se fait dans les couloirs et les restaurants. Amazon trouvera une parade mettant en avant le ridicule du règlement, ou changera de nom ou rajoutera une condition ubuesque et s’en sortira par une pirouette.

Si c’est plus sérieux, ils iront voir la Commission en mettant en avant le grand marché européen, et demanderont à ce que les règles de la concurrence soient respectées. La mesure et son application seront bloquées, ou pas, les médias s’empareront de l’affaire, et cela fera beaucoup de bruit, pour pas beaucoup d’effet ni de fureur.

7. Les auteurs vont écrire plus d’un succès

On va voir apparaître plus d’auteurs autoédités avec des séries qui vont publier plus de deux livres par an. Pas forcément dans le top des ventes, mais dans le top des ventes de leurs catégories. Ils vont multiplier les romans bien écrits masi sans prétentions littéraires, offrant des regards nouveaux dans leur genre.

A la fin de l’année, ils se compteront sur les doigts d’une main. Mais ils commenceront à faire parler d’eux.

OK, OK, ce n’est pas une prédiction, c’est un vœu. Mais j’ai le droit de rêver moi aussi, non ?

8. Les éditeurs traditionnels vont multiplier les signatures d’autoédités

Les éditeurs papier ont beaucoup à découvrir de nouveaux auteurs, ou d’auteurs qui n’avaient pas encore été vraiment bien publiés et qui vont avoir des succès relatifs sur les plateformes numériques. De nouveaux genres et sous genres. Des techniques de marketing de guerilla qui fonctionnent parfois. Des auteurs qui construisent leur lectorat tous seuls, sans l’aide de l’éditeur, et qui ont déjà l’assurance de faire un certain volume de ventes.

Des maisons d’édition assez importantes vont s’y mettre, en plus des découvreurs qui ont pris de l’avance.

Certains titres seront des succès, d’autres seront des échecs. Certains éditeurs continueront, d’autres baisseront les bras.

Surtout, surtout, ils avanceront doucement, ils mettront tout un tas de barrières à la publication de nouvelles œuvres desdits auteurs, parce qu’ils ont peur et qu’ils veulent l’exclusivité de la communication, du lancement etc.

9. Amazon Crossing va squatter les promotions Kindle

Cela a déjà commencé ces derniers mois, et cela va s’accentuer : la maison d’édition d’Amazon spécialisée dans la traduction et l’adaptation de succès étrangers va s’octroyer les plus belles promotions sur la boutique Kindle et mettre en avant les titres de J.A. Konrath, Robert Gregory Browne, Simon Wood, Kendra Elliot… Cherchez-les dans le top 100.

Après tout, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Si on est capable de faire l’édition, la promotion et la vente sans avoir besoin des autres, et qu’on peut faire sortir l’argent de la poche gauche pour aller dans la poche droite, pourquoi s’en priver ? Bein sûr, les auteurs autoédités vont faire partie des victimes collatérales de cette stratégie, alors qu’Amazon dit qu’ils les adorent. Il faudra sans doute qu’un arbitrage se fasse entre Seattle, Cork et Clichy.

Mais il est peu probable que KDP prenne le pas sur Amazon Crossing. Et je ne parle pas de Thomas & Mercer, 47North etc. Aux États Unis, Thomas & Mercer, une marque d’Amazon Publishing a publié le livre le plus vendu sur Amazon en décembre.

10. De nouveaux moyens de promotion des ebooks vont apparaître

Je ne pense pas que Bookbub soit encore intéressé par notre petit pays. Mais des services similaires vont apparaître. On a eu une première salve avec Hibooks.club et l’initiative presque avortée de Bruno Challard (je n’arrive pas à retrouver le lien), j’ai tenté aussi de trouver les lecteurs numériques avec d’autres auteurs en décembre et premiers jours de janvier avec les 10 jours en Or. Personne n’a encore réussi à faire la différence…

Mais ce n’est pas pour cela qu’il faut s’arrêter d’essayer. Les auteurs et les éditeurs, indépendants ou non, ont besoin d’avoir des outils modernes de promotion des livres auprès des lecteurs en numérique. Les distributeurs ont besoin de ces outils, même si certains peuvent les construire eux-même. Les lecteurs ont envie d’avoir d’autres moyens de découvrir les livres, pourquoi pas avec les promotions.

On va donc continuer à avoir de nouveaux moyens de promotion des livres, et les gens vont lire de plus en plus.

11. Les lecteurs vont plus lire sur leurs smartphones et tablettes

Le grand combat liseuse tablette est perdu. Les gens qui lisent sur tablette seront beaucoup plus nombreux que ceux qui lisent sur liseuse. Même si les lecteurs sur liseuse resteront plus assidus et liront plus de titres chaque mois.

12. La différence entre auteurs indés pros et novices va s’accentuer

L’expérience joue beaucoup dans ce secteur, et les auteurs qui ont commencé à s’auto-éditer tôt vont faire un peu plus la différence avec les novices, même si la foudre continuera à tomber et à nous donner des bestsellers au premier roman.

On ne construit pas une carrière et une activité pérenne avec un seul succès toutefois. Les auteurs les plus pros vont donc continuer leur petit bout de chemin, passant de moins en moins de temps à faire du marketing car ils sauront ce qui marche pour eux, et ce qui ne marche pas, qu’ils sauront qu’il vaut mieux écrire un quatrième ou un dixième livre que consacrer tout leur temps à un seul, en laissant l’écriture de côté.

Conclusion

Une année encore riche en événements et changements s’annonce. Que mes prédictions s’avèrent justes ou non, les choses vont changer, et il faudra s’adapter, et continuer à publier de nouveaux livres pour surnager dans l’édition et l’auto-édition numérique.

Se fixer des objectifs, définir un cap, avoir une stratégie à long terme qui permette de s’adapter aux changements et aux soubresauts de l’édition d’ebooks sera nécessaire. Où en êtes-vous de votre définition d’objectifs ?