Re-Publier en autoédition

L’occasion fait le larron, et Solène Bakowski, que j’avais reçue dans le podcast, épisode 28 publie aujourd’hui en version numérique Parfois on tombe, un roman que les Éditions Favre ont édité à l’origine en papier.

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La chronologie de Solène est un peu compliquée, donc je ne sais plus si c’est son premier roman, le deuxième… Mais connaissant sa plume, je suis sûr que les personnes qui ont lu ses deux autres romans apprécieront celui-ci.

On en avait parlé à l’occasion de ce podcast, et hors micro (si je puis dire), nous avions discuté un peu plus de ses tentatives pour récupérer ses droits numériques sur cet ouvrage.  Je suis bien content qu’elle y soit arrivée et j’espère pouvoir partager avec vous un article sur son travail pour ce nouvel ebook.

En attendant, je vais parler de tous ces livres qui dorment, non pas dans les tiroirs des auteurs, mais dans les catalogues des éditeurs.

Pour une très très large majorité, les livres édités jusqu’au début des années 2000 ne sont pas couverts par la question des ebooks. C’est à dire que les éditeurs ne disposent pas des droits numériques pour faire des ebooks. Mais les auteurs ne disposent pas non plus des droits, ou pourraient se retrouver dans une situation difficile s’il leur prenait l’envie de publier des ebooks de leurs livres sous contrat d’édition.

La situation contractuelle concernant les versions ebooks des livres est donc à tirer au clair.

Une autre chose à prendre en compte est que les éditeurs n’ont pas vraiment intérêt à investir dans une version numérique, pour un livre qui est en fond de catalogue, mais n’est pas un classique. Pourquoi ? Parce que la version numérique leur coûte cher, qu’ils ne savent pas bien la vendre, et qu’ils raisonnent encore sur le mode du lancement.

La version numérique leur coûte cher car ils ne maîtrisaient pas bien la chaîne de production du livre et n’ont pas anticipé l’évolution du numérique. Il leur faut donc souvent repartir de la version papier, la scanner et l’éditer à nouveau, dans le cas extrême. A minima, il leur faut trouver un prestataire qui prendra leur version InDesign, XPress ou autre (Ventura Publisher ?) pour en faire un master, et une version numérique.

Ils ne savent pas bien les vendre. Les éditeurs traditionnels ne sont pas tous des neu-neus, bien sûr (il y en a peu). Mais leur cadre de référence est différent du numérique, et ils réagissent avec des habitudes, des conventions, des méthodes qui sont un mélange entre la défense de la version papier et le refus de s’intéresser vraiment au numérique. Ils sont très conservateurs, et ne mettent pas les bons prix sur les versions numériques.

Par mon travail sur ebookgang.fr, je vois souvent les efforts de promotion des éditeurs et les prix pratiqués. Ils sont souvent étonnants, sans corrélation avec la création de valeur réelle, l’économie de la distribution de livres, etc.

Ils fonctionnent encore sur le mode du lancement. Dans le circuit des librairies, vous avez une place définie dans un espace ou une surface, et vous ne pouvez toujours être présent sur une table, face devant, ou même un rayonnage. La vente des livres est donc essentiellement liée au lancement de celui-ci.

Or un livre n’est pas une fusée, n’est pas un événement d’actualité, n’est pas une passade dans l’air du temps. Certains le sont, mais pas tous.

Et les livres ont une vie beaucoup plus longue dans leur version électronique. Re-lancer un livre en version électronique non seulement lui donne une seconde jeunesse mais aussi lui permet d’être vendu beaucoup plus longtemps.

Et les auteurs qui vivent enfin de leur écriture sur les marchés qui sont en avance par rapport à la France le savent : les ventes de “fond de catalogue” sont parfois plus importantes que celles du nouveau petit dernier. Les petits ruisseaux deviennent de grandes rivières, et ces petits ruisseaux peuvent s’écouler pendant des millénaires.

Bon, à part critiquer encore une fois l’édition traditionnelle (j’aimerais juste qu’elle se bouge), est-ce que je peux dire quelque chose d’intéressant ?

Solène ne disposait évidemment pas des droits sur la couverture utilisée par Favre. Il était par ailleurs très probable qu’elle veuille à nouveau travailler dessus pour en trouver une qui soit plus en phase avec son roman . Elle avait déjà pris le parti de refaire la couverture de Chaînes, ce qui réclame évidemment du travail mais aussi une forme d’abnégation.

Elle a certainement aussi passé un peu de temps à relire ce roman. Même si un éditeur fait bien son travail, ne nous voilons pas la face : il reste des coquilles, des erreurs impromptues que l’on ne peut corriger une fois le roman imprimé en un nombre certain d’exemplaires.

Les discussion contractuelles aussi peuvent être longue, semées d’embûches, ou simplement longues car un éditeur renâcle à s’occuper de faire une lettre pour se défaire de ces droits.

On peut voir que les discussions avec Favre se sont bien passées car Solène n’hésite pas à continuer à mettre en avant la version papier (hormis la difficulté de lier la version papier et ebook sur Amazon).

C’est dans l’intérêt de l’auteur et de l’éditeur de faire en sorte que toutes les versions du même livre soient visibles !

Reste la problématique du lancement d’un livre qui est censé avoir déjà éclusé les librairies.

Solène a réussi à se créer un nouveau lectorat sur Kindle. Je ne doute pas qu’entre Chaînes et Un Sac, elle ait vendu seule plus d’exemplaires que Favre.

Ce lectorat n’a probablement pas acheté Parfois on tombe en version papier. Les lecteurs de livres Kindle reviennent rarement en arrière. Ils forment un groupe de lecteurs majoritairement avides et gros consommateurs qui vont essentiellement aller lire des livres disponibles dans le jardin doré du Kindle (encore plus s’ils sont abonnés à Kindle Unlimited). Il n’y avait pas de passerelle entre les précédents livres et celui-ci.

Solène a lancé une liane, puis une autre, mis une corde, puis deux, et quand tous ses livres seront liés les uns aux autres, elle aura enfin un catalogue complet.

[Edit] J’ai oublié de parler de l’illustration ci-dessus ! Solène utilise l’image pour mettre en scène son livre, faire un peu de storytelling (après tout, n’est-ce pas ce qu’elle fait tout le temps). Pensez-y vous aussi en amont du lancement.

Je vais tenter une métaphore ici, métaphore que vous me verrez utiliser plus tard à tort et à travers. Un livre est comme un bien immobilier d’investisseur. Représentez vous le plan d’une ville.  Chaque livre que vous créez est comme un terrain ou une maison que vous achetez et que vous louez ensuite. Certains, vous allez déléguer la gestion, d’autres vous allez mettre en time share (brrr!), d’autres enfin vous allez traiter en direct.

Chaque livre est un capital investi que vous pouvez rentabiliser plus ou moins en fonction de la manière dont vous en faites la promotion, mais aussi de sa position, de son état. Une maison délabrée en zone industrielle ne vous rapportera pas autant qu’un immeuble en centre-ville sur la rue marchande. Et dans cette métaphore, il y a aussi les squatteurs qui viennent défoncer la porte de votre maison et s’installent (Relire et la Sofia), même si vous habitez déjà là.

Solène a récupéré les clés, remis un coup de peinture, mais laissé le rez de chaussée au libraire qui était déjà là.

Et vous, avez- vous récupéré tous vos droits sur vos livres oubliés ?


 

Comme c’est à propos… Hier, Bookbub a interviewé une autrice américaine qui a fait la même chose sur cette autre planète qu’est le marché américan…

http://insights.bookbub.com/relaunching-marketing-a-book-after-getting-the-rights-back/