Comment arnaquer Amazon et les lecteurs (et donner une image négative des livres numériques en prime)

Vous avez peut-être entendu parler de diverses arnaques sur Amazon, ou d’abus des outils mis en place par Amazon, notamment Kindle Direct Publishing. Vous vous êtes dit que ça n’arrivait qu’aux États-Unis, que nous étions à l’abri de ce genre d’abus ?

Détrompez-vous ! Depuis quelques mois, ce genre de livre de qualité médiocre arrive sur Amazon Kindle France, et les abus se développent.

Si ça vous intéresse vous aussi de vivre à la marge, en profiteur du système, abuseur en sous-marin, voici quelques astuces pour berner les lecteurs et lectrices de la plateforme en leur donnant des ebooks, en abusant de Kindle Unlimited…

Il vous faut du contenu

Oui, désolé de vous le dire, mais il vous faudra des livres. Vous n’êtes pas obligé de les avoir écrits vous-même, vous pouvez très bien avoir fait appel à un ghostwriter (en France avant on disait nègre, maintenant il faut dire prête-plume).

Par exemple, cherchez ghostwriting sur Google et vous trouverez des pistes, notamment sur Fiverr.

D’autres sites ont existé, ont disparu. C’est en dénouant le fil d’un ebook présent dans le top 100 que j’en ai trouvé : donc oui, on peut faire écrire ses livres par des prête-plume pour ensuite les mettre dans le top 100.

Sinon, vous pouvez utiliser la technique du traducteur automatique, appliquée avec brio par « Pigeon », un livre que C.C. Mahon a pointé du doigt. Une perle ! Si vous réussissez à comprendre l’histoire, éclairez-moi, car depuis que j’ai regardé l’extrait, mes yeux saignent.

Il vous faut une bonne couverture

Si vous êtes dans un genre romantique ou vaguement érotique, vous aurez toutes facilité pour trouver des photos et couvertures à plaquer sur votre livre. Ne vous fatiguez pas à en changer tout le temps, vous pouvez prendre la même image pour plusieurs livres, ou prendre plusieurs images de la même série pour illustrer différents romans.

Il vous faut un bon titre

Soyez créatif, que diable ! Par exemple, utilisez le mot clé « millionaire », personne n’a jamais écrit de romance mettant en scène un millionaire et un bébé.

Si le titre ne vous convient plus au bout de 2 mois, changez-en, et faites le jeu des chaises musicales avec vos couvertures, remplaçant une photo par une autre avec un nouveau titre. Et republiez le même livre. Ce qui est important, c’est d’avoir l’impression d’avoir un nouveau livre, super, avec un contenu exclusif, une histoire jamais racontée (et tant pis si c’est la même histoire que vous recyclez pour la 5ème fois).

Il faut le mettre dans Kindle Unlimited

C’est très important : si vous voulez avoir de la visibilité, votre livre doit être gratuit pour toute une catégorie de lecteurs. Dès qu’ils empruntent ce livre, vos lecteurs vous font monter dans les classements et vous pouvez peut-être atteindre le top 100.

Ajoutez de l’huile de coude

C’est là que ça devient vraiment difficile : il faudrait trouver une ferme à clic, d’une manière ou d’une autre. C’est à dire des personnes ayant pu s’inscrire à Kindle Unlimited gratuitement (avec l’offre d’essai par exemple), qui veulent bien télécharger votre livre contre une rémunération faible.

Disons que vous trouvez une ferme qui vous garantit 50 téléchargements en une journée. C’est normalement assez pour être dans le top 100. Au prix pratiqués dans certains pays d’Asie, cela ne vous coûtera pas très cher.

Ensuite, c’est bien si ces 50 téléchargements donnent lieu à 50 lectures (je vais jusqu’à l’emplacement final, soit emplacement 2345).

Un peu de maths

Je parle de chiffres hypothétiques, et je n’ai pas les coûts réels sous la main. Mais je projette ce qu’on peut gagner avec ce genre de démarche. J’ai regardé un de mes livres qui est dans Kindle Unlimited, et qui fait donc 94 pages en mode KENPC. Si je vais à la fin de ce livre sur ma Kindle, je suis à l’emplacement 600 et quelques. On peut donc supposer qu’il faut 6,8829 emplacements pour faire une page KENPC.

Par conséquent, un livre qui a 2414 emplacements, si je vais à la fin, on a donc lu 350 pages KENPC…

Au mois de février, la page lue KENPC valait un peu plus de 0,46 centime. 0,0046 euro. Donc avec un livre qui fait 350 KENPC, chaque lecture rapporte 1,61 €. On n’a même pas besoin de lire le livre en entier, puisque Amazon ne retient que la dernière page lue dans le livre.

Avec les 50 téléchargements lectures supposés plus haut, on a donc gagné :

1,61 x 50 = 80 euros

Et ceci sans tenir compte des pauvres lecteurs/lectrices qui, ayant vu ce livre dans le top 100, ont téléchargé voire acheté ce livre dans Kindle. À 2,99€, cela fait quand même 2 € environ de redevances supplémentaires.

Même si le prix de l’emprunt Kindle avec lecture est de 1€, on est gagnant, de 30 euros. On peut donc reproduire cette démarche le jour suivant, la semaine suivante, etc.

Et quand le livre n’est plus assez visible ou récolte trop de mauvaises étoiles, que fait-on ? On lui rachète une virginité en changeant le titre, la couverture. Pourquoi pas le nom d’auteur aussi…

Comment reconnaître ce genre de livre ?

Vous voyez un livre dans le top 100 avec une très mauvaise note, voire sans note ? Il n’est pas en précommande ? Il est disponible dans Kindle Unlimited ? Vous tenez quelque chose… Tirez sur le fil en allant voir les autres livres de l’auteur (cela peut être un raté avec un premier commentaire mauvais sur ce qui sera en fait LE roman du 21ème siècle !).

Qu’est-ce qu’on en a à foutre ?

Sur le principe, on pourrait dire que c’est gênant, mais pas grave : après tout, si les gens sont assez simples pour tomber dans le panneau et acheter ces livres… Sauf que…

Vous savez comment fonctionne la rémunération dans Kindle Unlimited, si vous y avez mis vos livres ? Amazon fait un gigantesque pot commun de toutes les sommes versées par les abonnés, rajoute une prime parce qu’ils sont contents, et ensuite compte le nombre de pages lues dans le monde entier sur un mois et redistribue cette cagnotte.

Les personnes qui adoptent ce genre de technique pour jouer avec la visibilité et faire en sorte d’avoir des achats et des lectures dans le cadre de Kindle Unlimited sont rémunérées avec l’argent du pot commun. De l’argent dont une partie pourrait vous revenir si ces abus n’existaient pas (et que vous êtes vous-même sur Kindle Unlimited).

Deuxième impact : la qualité et la perception des livres numériques sur Kindle. Les 5 livres que j’ai trouvés aujourd’hui sur la boutique ne sont pas nuls, mais pas géniaux non plus. Ils ne méritent probablement pas d’avoir autant d’exposition, ni de trouver beaucoup de lecteurs. En tout cas, les lecteurs qui ont laissé des commentaires ont souvent dit ce genre de chose.

In fine, cela rejaillit sur les autres auteurs qui publient sur Kindle, et donne du grain à moudre à ceux qui disent que sur Amazon, on trouve des arnaques, donc il ne faut pas y acheter de livres.

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark, et cela concerne tous les auteurs qui publient sur Kindle, pas seulement ceux sur KU.