Podcast 39 : David, dessine-moi une couverture …

L’autédition ne date pas du Kindle et n’est pas née avec KDP. Même si celui-ci a une grande importance, on peut parfois oublier qu’il y avait d’autres formes de livres numériques avant, et d’autres boutiques (aujourd’hui encore).

Dans ce podcast autoédition, je reçois David Forrest qui avait par exemple commencé à s’autoéditer en numérique et avait déjà eu un beau succès avant.

David a continué à écrire et à publier, tant en autoédition qu’en passant par d’autres circuits, notamment avec Bragelonne. Il est donc maintenant auteur hybride.

Enfin, il a acquis une certaine renommée pour ce qui est de la réalisation de couvertures de livres, en commençant par aider au coup par coup certains auteurs autoédités puis en formalisant un peu cette activité avec le site Kouvertures.

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Nous abordons donc tous ces aspects dans le podcast que je vous invite à écouter ici , ou que vous pouvez retrouver sur iTunes.

Comme c’est l’été, je ne sais pas encore s’il y aura beaucoup d’épisodes avant septembre. Le meilleur moyen d’être au courant est de s’inscrire sur la newsletter.


Retranscription du podcast autoédition 39

Cyril. – Bonjour ! Aujourd’hui, dans le podcast autoédition, j’ai le plaisir de recevoir David Forrest. Bonjour David.

David. – Bonjour !

Cyril. – Est-ce que vous auriez la gentillesse de vous présenter un petit peu pour les personnes qui ne vous connaîtraient pas et de nous présenter aussi votre parcours dans l’autoédition ?

David. – On commence direct avec les questions difficiles à prendre en main ! Je suis journaliste à la base, depuis plus de vingt ans, dans le divertissement audiovisuel, et auteur depuis, on va dire, cinq ans. Si je compte la sortie de mon premier bouquin, En série. Et voilà : j’ai eu la chance que ça a plutôt pas mal fonctionné et donc j’ai un peu continué. Donc aujourd’hui, je dois avoir quatre romans publiés, en auto et en édition traditionnelle, quelques nouvelles qui traînent à droite à gauche, et puis des choses qui arrivent. Voilà, dans l’absolu, ce que je fais. Ça et puis vous connaissez peut-être aussi, certainement, le site Kouvertures.com pour lequel je crée des couvertures pour les auteurs autoédités. Parfois même pour des maisons d’édition, d’ailleurs.

Cyril. – Il y a en effet beaucoup de sujets à aborder ensemble aujourd’hui. Je ne sais pas si on va réussir à parler de tout, mais on va essayer de faire tout rentrer. Je vais commencer par le parcours d’autoédition. Donc vous publiez depuis 2011 en autoédition. Vous êtes même un peu utilisé comme représentant de cette autoédition 2.0, avec un des premiers succès sur Amazon Kindle, quand Kindle a ouvert en France. Je me trompe ?

David. – Alors, je n’aime pas trop ce rôle de mascotte. Ça m’agace un petit peu !

Cyril. – Ce sont les faits qui poussent à ça !

David. – En fait, historiquement, ça a commencé avant Amazon puisque j’ai commencé à publier, en fait, sur iTunes. C’était en… En mai 2011 ? Oui, c’est ça, donc Amazon n’était pas encore là. Kobo non plus. Enfin, Kindle, Kobo, tout ça… n’existaient pas encore. J’ai commencé sur iTunes en publiant En série en mai 2011. Ça, je me souviens bien ! Et comme je dis toujours, j’ai fait ça un petit peu par curiosité, par hasard. Vu que je suis dans la presse microinformatique… Enfin, j’étais en poste dans la presse microinformatique à l’époque déjà. J’étais assez au fait de ce qui se passait au niveau du livre numérique et je trouvais l’idée intéressante. J’avais mon bouquin, dont je ne savais pas trop quoi faire. Je me suis dit : tiens, je vais essayer comme ça. Donc voilà : je l’ai mis sur iTunes via Smashwords et je me suis dit : si j’en vends une dizaine, je fais péter le champagne. Et quand j’ai eu mes premiers retours de ventes en juillet, j’ai dû commencer à regarder les prix des vignobles, parce que c’était plutôt dans les 500, qui sont devenus 5 000, et ainsi de suite. Et ensuite, Kindle est arrivé, Kobo est arrivé. Les milliers se sont transformés en dizaines de milliers, et voilà ! Alors, c’est vrai que ça fait partie des premiers. C’est peut-être aussi pour ça que ça a fonctionné : parce qu’il n’y avait pas grand-monde en face ! Mais oui, voilà, c’est une belle histoire. Une grosse surprise. Je ne m’en remets toujours pas, d’ailleurs.

Cyril. – Il y a un autre aspect à ça, c’est que vous avez publié ce premier livre, et ensuite vous ne vous êtes pas arrêté là.

David. – Non. Ben non !

Cyril. – Vous parlez de quatre romans. Si je regarde votre page auteur sur Amazon, parce que je suis malheureux mais c’est à peu près le seul endroit où je réussis à avoir une vue presque complète (et encore, même pas, je pense !) il y a dix-huit titres qui sont publiés. Alors, il y en a certains qui sont des nouvelles, qui sont séparées les unes des autres, d’autres qui sont des romans. Donc il n’y a pas dix-huit romans. Mais ça veut dire que vous avez quand même publié beaucoup de livres, à la fois en autoédité et aussi en auteur hybride, c’est-à-dire travaillant aussi avec des éditeurs.

David. – Oui. Dix-huit ! Je n’arrivais pas à calculer à ce niveau-là ! Mais oui, je ne pensais pas que ça faisait autant.

Cyril. – Oui, parce que j’ai cherché sur la page… sur le site web David Forrest, et je n’ai pas réussi à trouver tous les livres.

David. – Non, c’est vrai qu’en plus, à ma grande honte, je ne m’occupe pas très très bien de ce site. J’attends des évolutions du clonage pour pouvoir faire mieux les choses, mais là, en ce moment, j’ai du mal à faire un peu tout.

Cyril. – C’est difficile d’être à la fois au four et au moulin !

David. – Voilà ! Et dans les champs.

Cyril. – Donc il y a eu cette progression d’auteur autoédité complètement tout seul dans son coin qui essaie quelque chose…

David. – Oui. Vous savez, un petit peu comme tout le monde. Tout le monde écrit. Tout le monde commence des histoires. Moi, j’ai toujours eu un petit peu ce regard un peu d’autocritique sur ce que j’avais écrit pendant des années, ou commencé à écrire, sachant très bien que ça allait finir dans les tiroirs et n’en jamais sortir parce que ça ne méritait pas d’en sortir. Ce que j’ai fait avec En série, c’est… J’ai eu cette impression qu’il y avait peut-être quelque chose, donc je l’ai fait lire à des gens de ma connaissance. Alors, pas forcément la famille, parce que vous savez ce que c’est, la famille : ils arrondissent toujours les angles. C’est toujours merveilleux, etc. Donc je l’ai plutôt présenté à des gens qui, je le savais, n’allaient pas hésiter à être un peu bourrins, à me défoncer la tête en me disant : « C’est de la merde, rentre chez toi ! » Finalement, ils ne l’ont pas fait. Étrangement. Ils m’ont plutôt dit que c’était plutôt pas mal. Alors, c’est pour ça que voilà, j’ai sauté le pas avec En série. Et vu que ça a fonctionné et que d’autres idées étaient là, parfois depuis longtemps, je me suis dit : je ne vais pas m’arrêter là, on va continuer. Vu que ça a l’air de ne pas trop déplaire. Et voilà : ça a été lancé comme ça. C’est vrai qu’en ce moment, j’ai peut-être un petit peu levé le pied aussi, parce que… Parce que j’ai pas mal de choses, à droite à gauche aussi. Et je prends un peu plus de recul peut-être sur l’écriture aussi, mais est-ce que je vais abandonner ? Non, je ne pense pas.

Cyril. – Mais personne ne le souhaite.

David. – Peut-être, on verra. Merci, c’est gentil !

Cyril. – Donc il y a eu cette évolution vers le côté hybride et travailler avec des maisons d’édition. Comment ça s’est passé ? Est-ce que vous vous êtes rapproché de maisons d’édition ou est-ce que ce sont elles qui se sont rapprochées de vous ? J’ai identifié, parce qu’il y a beaucoup de choses… C’est difficile de trouver un portrait complet de David Forrest auteur. J’ai trouvé essentiellement Bragelonne, pour le papier, et Hardigan pour les livres audio.

David. – Oui. Tout à fait, oui.

Cyril. – Ce sont les deux seuls avec lesquels vous travaillez ?

David. – Oui.

Cyril. – D’accord. Première chose. Et comment ça s’est passé avec l’un et avec l’autre ? Est-ce que c’est vous qui êtes allé les chercher, ou la faveur d’une rencontre qui a fait qu’ils se sont dit : « Tiens, ce serait bien que cet auteur entre dans notre écurie », entre guillemets ?

David. – Ce n’est pas… Non, ce n’est pas vraiment comme ça que ça se passe. Disons qu’on a eu quelques… On s’est croisés. On a sympathisé. Mais ce n’est pas pour ça, ce n’est pas parce qu’on est copains qu’on va t’éditer, mon grand ! C’est… Voilà, les choses sont arrivées à un point où je me suis dit… Je suis plus un expérimentateur qu’autre chose. J’aime bien… J’aime bien tâtonner de nouveaux horizons, essayer à droite et à gauche. Et je me suis dit que ça pourrait être amusant de voir ce qui pouvait être fait avec un éditeur. Après avoir fait de l’autoédition. Et en fait, avec Bragelonne, c’est tout simplement arrivé après Légion. J’avais commencé à écrire… J’avais écrit la suite et… Je ne sais pas, un petit instinct m’a dit : parles-en aux gens de Bragelonne, en disant : « Est-ce que ça t’intéresse ? J’ai ça. » Et finalement, ça les a intéressés. Ça les a tellement intéressés qu’ils ont pris Légion aussi, dans la foulée.

Cyril. – Ils ont repris Légion ou il était déjà publié ?

David.En prenant sa suite, ils ont pris Légion aussi. Et maintenant, je dois faire le troisième. Donc voilà : ça s’est fait comme ça ! Mais voilà : encore une fois, le contact a aidé, mais ce n’est pas du… Ce n’est pas le copinage qui a amené la chose. Et voilà : l’expérience est super intéressante, ça se passe très très bien. En plus, on a un petit peu la même philosophie. De geek, je vais dire. Donc forcément, on s’est trouvé un petit peu à mi-chemin.

Cyril. – Et les relations avec un éditeur comme Bragelonne, quand on est passé par l’autoédition avant, est-ce qu’on est mieux armé ?

David. – Est-ce qu’on est mieux armé… Armé contre quoi ?

Cyril. – Pas contre quoi. Mieux armé dans le marketing en général, le contrat, ce genre de choses. L’ensemble du panel des activités d’un auteur.

David. – Je dirais que c’est surtout vachement reposant. Avec un éditeur. Déjà parce que quand on travaille avec… En l’occurrence, l’éditrice : je travaille avec Claire Deslandes, qui est la directrice éditoriale, je crois, de Bragelonne. Notamment numérique. C’est génial de ne plus être tout seul avec son texte, de se prendre des baffes pour améliorer le texte sans avoir à se les mettre soi-même. Donc déjà, c’est super reposant.

Cyril. – C’est vrai que c’est fatigant de donner les baffes et de les recevoir en même temps.

David. – Voilà. Et puis, il faut être honnête : l’auteur est le plus mauvais juge sur son texte. Comme pour sa couverture ! On y reviendra, mais voilà. Là, on a forcément un regard qui est très très différent de celui du public. Et c’est vrai que d’avoir quelqu’un à côté qui aide et qui recadre, ou qui pousse, pour donner le meilleur de ce qu’on peut faire sans qu’on voie qu’on ne l’a pas fait, c’est toujours… C’est toujours intéressant. Et ensuite, au niveau marketing, c’est pareil. C’est quand même un peu des vacances, par rapport à l’autoédition.

Cyril. – D’accord. Mais ça ne vous empêche pas de quand même continuer à faire votre marketing d’auteur, comme si vous étiez un auteur classique, dirais-je.

David. – Déjà, j’ai… Je vois pas mal ce que font d’autoédités en tant que marketing d’auteur. Moi, je n’aime pas ça.

Cyril. – Oui, il y a beaucoup de volume chez certains. Et vous, votre volume est nettement plus réduit et beaucoup plus simple et systématique.

David. – Voilà. Je n’aime pas ça, je le fais peu. Je fais partie de ces cas peut-être un petit peu particuliers, où je n’en ai pas eu besoin. Disons que j’ai été obligé… J’ai commencé à faire mon site, de la communication, après le succès de En série. Parce qu’il y avait une demande de contact et de suivi. Donc c’est ça qui m’a poussé à le faire. À créer cette page Facebook que j’utilise le moins possible. À faire ce site que je n’arrive pas à…

Cyril. – À mettre à jour !

David. – Voilà ! C’est… J’ai un peu suivi, là. C’est vrai que je n’aime pas ça. C’est… Je fais le minimum syndical, on va dire. C’est peut-être une erreur, mais bon.

Cyril. – Justement, ce n’est pas forcément une erreur, parce que malgré tout, les livres sont lus et il y a derrière une distribution chez de très nombreuses boutiques qui fonctionne pas mal.

David. – Oui.

Cyril. – Alors, je reviens sur un ou deux posts que vous aviez faits sur la répartition de vos ventes dans les différentes boutiques. Vous êtes aujourd’hui beaucoup plus en retrait par rapport à Amazon Kindle et vous êtes entré complètement dans un circuit pro.

David. – Oui, je ne passe plus du tout par KDP, KWL, etc. J’ai eu la chance, encore une fois, par mes contacts dans l’édition qui se sont forgés suite à mes premiers succès, de pouvoir intégrer, en fait, le circuit de distribution professionnel des livres numériques. Et en PoD (impression à la demande) aussi, d’ailleurs. Mes livres à la demande sont faits chez Hachette Lightning Source, par exemple. Donc je suis complètement sorti du système KDP et compagnie.

Cyril. – D’accord. Et vous passez quand même par un autre intermédiaire ?

David. – Oui, je passe par la diffusion e-Dantès, qui est la diffusion notamment de plusieurs éditeurs. Notamment Bragelonne. Etc. C’est vraiment le… C’est comme en librairie, vous savez. Enfin, comme en presse, pardon. Vous avez les NMPP, les LMP, qui distribuent la presse dans les kiosques. On a le même système pour le numérique et le papier. Ce sont des circuits de distribution. Donc je passe par ce circuit de distribution. J’envoie ma production à e-Dantès qui la dispatche chez les différentes plateformes de vente. Qui incluent évidemment celles qui ne sont pas ouvertes à l’autoédition.

Cyril. – Et donc, en revenant sur ces posts-là, on voit que votre répartition de ventes sur les différentes boutiques ne correspond pas à celle de la majorité des auteurs autoédités, dirais-je. En tout cas ceux qui en parlent. À savoir que d’habitude, c’est plutôt 50 %, voire 75 % KDP, et les autres à peine. Quand il y a des autres, d’ailleurs ! Alors que vous, c’est 50 % FNAC, pas mal de Kobo derrière, et puis sinon une autre palette de boutiques un peu moins connues : Système U, 7Switch, etc.

David. – Oui. Je ne suis plus sur KDP.

Cyril. – Oui, donc vous n’avez plus l’avantage de la mise en avant, enfin entre guillemets…

David. – Je ne vais pas épiloguer là-dessus tellement, mais le jour où je suis sorti de KDP et entré dans le réseau… Il y a des différences qui sont flagrantes. Donc voilà ! C’est vrai que la répartition est assez différente dans d’autres réseaux. C’est tout.

Cyril. – Parlons un peu de Kouvertures.

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David. – Oui ! Kouvertures, en fait, je l’ai… Quand je regardais un petit peu l’autoédition, je voyais pas mal de bouquins avec un titre sympa, mais alors qui étaient gâchés hélas par les couvertures faites maison. Et c’est normal ! Parce que bon, on peut être auteur, on n’est pas forcément graphiste, on ne connaît pas forcément les codes de la couverture, etc. Moi, j’ai la chance d’avoir un peu d’expérience en la matière et des gens qui m’ont aiguillonné, donc c’est… Ce n’est pas forcément le cas de tout le monde.

Alors, j’ai dit : tiens, est-ce que ce ne serait pas bien de donner un petit coup de pouce aux auteurs ? Parce qu’on dit qu’on ne juge pas un livre à sa couverture. C’est faux. Le lecteur, le premier contact avec un bouquin, c’est la couverture. Donc si elle n’attire pas l’œil, l’œil glisse et on passe à autre chose. Surtout sur des étals numériques comme Amazon où il y a pléthore de couvertures et si ça ne se voit pas, on…

Cyril. – On n’existe pas.

David. – Voilà. On zappe complètement !

Cyril. – Il y a eu une première couverture, qui a été une forme de point de démarrage pour cette activité Kouvertures avec un K ?

David. – Non, pas spécialement. J’ai commencé, en fait, en proposant quelques couvertures…

Cyril. – À des personnes que vous connaissiez.

David. – Oui, voilà. Histoire aussi de me faire un petit peu la main. Mais voilà. Vraiment, l’idée, c’était que… En plus, un auteur, franchement… Tout à l’heure, je disais que l’auteur est le plus mauvais juge sur son texte. C’est aussi le plus mauvais juge sur sa couverture. Il a un rapport… Il connaît son livre. Il a un rapport intime. Il y voit des choses que la personne qui ne connaît rien du livre et qui, je dirais, à la limite s’en fout, parce qu’elle n’en connaît rien… Voilà, ce rapport est totalement faussé. Et c’est pour ça, par exemple, qu’un auteur en maison d’édition n’a généralement pas grand-chose à dire sur sa couverture. Y compris moi chez Bragelonne et c’est tant mieux, parce qu’on est mauvais juge pour ça. Et c’est pour ça que j’ai proposé ce service.

Cyril. – Même pas un veto sur une couverture qui ne vous plairait pas du tout ?

David. – Ça ne m’est pas arrivé, le veto, mais… Encore une fois, c’est… Pourquoi mettre un veto ? Il faut se justifier. Et les justifications de l’auteur sont souvent mauvaises. J’ai eu par exemple des auteurs : « Oui, mais là, le personnage, il fait à peu près 1,80 m. Moi, le mien, il fait 1,75 m. La couverture ne va pas du tout. »

Cyril. – Oui, ça, ça ne va pas.

David. – Alors, je fais… Je force un peu le trait (et encore !) mais voilà. L’auteur voit quelque chose dans la couverture qui sera totalement invisible et inconsistant pour le lecteur potentiel. La couverture, excusez-moi le terme, c’est une pute qui aguiche.

Cyril. – Oui, c’est la photo de cul à l’intérieur du magazine.

David. – La couverture, elle n’est pas là pour commencer à raconter l’histoire. Elle est là pour séduire. Ce qui raconte l’histoire, c’est le résumé. C’est la présentation de quatrième de couverture. La couverture n’est pas là pour vendre le livre. Elle est là pour attirer le regard. Ce qui fait vendre ou pas le livre, c’est la quatrième. Et l’extrait. Mais s’il n’y a pas ce passage, cette petite amorce par la couverture, le lecteur potentiel restera potentiel. Il n’ira pas plus loin. Et puis c’est… Une couverture, ça a quand même une codification bien spécifique aussi.

Cyril. – Justement, en termes de codification, est-ce qu’il y a une différence de codification entre une couverture française et une couverture étrangère ? Est-ce qu’on peut remarquer des styles différents ?

David. – Oui, il y a des styles différents. C’est vrai que le style anglo-saxon est généralement plus tapageur. Le style français… Alors, est-ce que c’est l’héritage du film d’auteur ? C’est un peu plus intellectuel, on va dire. Même si ça a quand même tendance à glisser un petit peu. L’important, sur une couverture, c’est l’immédiateté. Voilà. Surtout en numérique, sur les rayons d’Amazon et compagnie, la couverture a une fraction de seconde pour attirer l’œil.

Cyril. – Je ne pense pas que sur une table ou dans un rayonnage, elle ait beaucoup plus de temps, d’ailleurs.

David. – Non, non ! Elle n’a pas beaucoup plus de temps, mais elle, elle a le contact physique. C’est vrai que la taille du bouquin, l’épaisseur, etc. c’est un petit plus que n’a pas la version numérique. L’agencement sur le rayon de la librairie, ça non plus, on ne l’a pas sur Amazon et compagnie. À part pour les mises en avant ponctuelles. Voilà. C’est vraiment un quart de seconde pour attirer le regard et pour être décodé. Le lecteur potentiel voit la couverture, le titre. Il dit : « Voilà, j’imagine déjà ça. » Si une couverture est trop compliquée ou trop ésotérique comme le veulent beaucoup d’auteurs sur leur texte (ce qui est normal), ça ne va pas marcher du tout pour le lecteur. Voilà. On pourrait en parler pendant des heures, mais il y a beaucoup de choses, pour quelque chose d’aussi simple qu’une couverture.

Cyril. – David Forrest fournisseur officiel, ou en tout cas official purveyor, de l’autoédition française ? J’ai vu que vous aviez travaillé pour Guy Morant, Valérie Lieko, Wendall Utroi, Florence Clerfeuille, Jacques Vandroux, Laure Manel. Vous travaillez pour tous les autoéditeurs qui réussissent ou il y en a qui réussissent à faire de bonnes couvertures sans vous ?

David. – Alors, ne faisons pas d’amalgame ! Je travaille pour ceux qui font appel à moi. Pas toujours, parce que parfois je décline. Par manque de temps ou pour d’autres raisons. Mais je pense que ce qu’il faut voir plutôt là, c’est le point de vue et la recherche des auteurs en question. On parle souvent de professionnalisation de l’autoédition. Un auteur autoédité qui fait attention à la relecture, à la correction, il va aussi forcément faire attention à la couverture. Et donc il va faire appel en externe à quelqu’un qui va peut-être mieux voir la couverture que lui. Donc finalement, il est là, le lien entre les auteurs autoédités qui peuvent fonctionner et le fait que certains d’entre eux ont des Kouvertures avec un K ! C’est peut-être parce que justement ils essayent de faire bien les choses. De le faire sérieusement, professionnellement. Et ça peut jouer. Maintenant, je n’irai pas dire qu’une couverture que je signe est gage de réussite.

Cyril. – Forcément, va transformer ça en best-seller !

David. – Je n’ai pas cette prétention ! Certains auteurs m’ont contacté avec ce discours. Je leur ai dit : non, non, attendez, surtout pas ! Ce n’est pas la couverture que je vais faire qui va faire vendre votre livre.

Cyril. – Ça donne une chance de plus.

David. – Voilà !

Cyril. – C’est un atout d’un côté, mais ça ne suffira pas forcément à…

David. – C’est une chance en plus pour faire remarquer votre livre, mais après, c’est entièrement dans vos mains.

Cyril. – Oui, bien sûr. Comment ça se passe, concrètement, pour travailler avec vous sur une couverture ? Est-ce qu’il y a un site dédié ?

David. – Oui. Sur Kouvertures, il y a une page Prestations où j’explique en gros comment je fonctionne. Ensuite, quand on me contacte directement, je balance une énorme diatribe pour expliquer tout point par point, parce que j’aime bien être un peu carré comme garçon. Dans l’absolu, en fait, on me donne des indices sur le livre. Alors, je ne prends pas et je ne lis pas forcément, évidemment, le manuscrit. Déjà pour garder l’œil neuf le plus proche de celui du lecteur, qui lui ne va rien connaître du bouquin. Quelques indices, un petit résumé, des mots-clés qui parlent du bouquin. Et ensuite je demande plus ou moins carte blanche. Je propose trois couvertures différentes. Si rien ne plaît, on s’arrête là. Si quelque chose plaît et s’il y a besoin de quelques ajustements (colorimétriques ou autres) on les fait et puis voilà.

En fait, je propose un service qui n’est pas très cher, parce que je ne voulais pas non plus proposer un service qui ne soit pas accessible aux autoédités. On sait qu’on n’a pas tous des cent et des mille à mettre dans la production. Ce n’est pas le but. Ce n’est pas forcément non plus rentable pour moi. C’est pour ça que j’en fais assez peu ! Mais voilà : l’idée, c’est vraiment de faire quelque chose qui tienne la route à un prix correct. Mais en même temps il y a des limites dans le service. On ne va pas me… Je ne vais pas refaire des dizaines et des dizaines de prototypes. Déjà, ce ne serait pas viable pour moi. Et ce ne serait pas non plus utile pour l’auteur parce que dans l’absolu, si on propose plein plein plein de couvertures différentes à un auteur, il ne se décidera jamais parce qu’il voudra toujours autre chose.

Cyril. – Si vous vous mettiez dans les baskets ou les souliers d’un auteur autoédité, qu’est-ce que vous lui conseilleriez de faire concernant sa couverture ? Dans deux options. La première option, c’est : je n’ai pas les moyens de le faire. Et l’autre option, c’est : j’ai un petit peu d’argent pour faire une couverture.

David. – La simplicité. La simplicité et… Et ne pas s’écouter. Voilà. J’ai déjà dit, je pense, tout à l’heure, mais un auteur est le dernier à juger son livre.

Cyril. – D’accord. Et quelqu’un qui a une mauvais couverture et qui a réussi malgré tout à avoir un peu plus de succès, est-ce que c’est intéressant pour lui de réinvestir dans sa couverture ?

David. – Ça peut se justifier, je pense, oui.

Cyril. – Ça peut se justifier.

David. – Après, chaque cas est différent, mais…

Cyril. – Ça vous est arrivé, de faire des remix de couvertures ?

David. – Oui, j’en ai fait plusieurs. Oui, tout à fait.

Cyril. – Plusieurs, oui.

David. – Récemment, notamment, Laure Manel. Pour Histoire d’@, le premier. C’était vraiment un petit peu de retouche par rapport à l’original. Mais il y en a eu d’autres. Il y a eu Florence Clerfeuille aussi, sur son Chat du jeu de quilles, qui a été entièrement relooké. Mais vraiment entièrement, pour le coup. Oui, c’est… Encore une fois, je pense que la couverture appelle peut-être d’autres lecteurs potentiels.

Alors, il y a ceux qui vont là et qui cherchent vraiment des thématiques, des histoires, qui vont fouiller les quatrièmes de couverture, les présentations, voire lire les extraits. Mais la plus grosse majorité des gens ne s’arrête que quand l’œil est attiré. Pas forcément la tête et tout ce qui va derrière. C’est viscéral. Regardez, vous, dans une librairie : généralement, la main et l’œil vont vers ce qui attire le regard. C’est instinctif. C’est normal. C’est la nature humaine. Donc oui. Oui, je pense que ça peut valoir le coup de revoir la couverture si on reste cantonné à un public bien spécifique, si on se dit qu’il y a un potentiel ailleurs mais qu’on ne sait pas comment, peut-être, aller chercher ce public, oui.

Cyril. – Bon. On va sortir un petit peu de tout ce qui est marketing, édition.

David. – Merci !

Cyril. – On va parler un petit peu plutôt du travail d’auteur. Vous aviez écrit, comme ça, des textes, des romans, que vous aviez mis dans les tiroirs. Est-ce que vous continuez comme ça à travailler en mettant les romans dans les tiroirs ou est-ce que vous avez un peu, justement, professionnalisé vous aussi votre travail d’auteur.

David. – Alors, en fait, les tiroirs… Tout est resté dans les tiroirs, à l’exception d’un seul titre. En fait, c’est ce qui va être Esoterre, qui sort à partir du mois d’août chez Bragelonne. En feuilleton. Mais sinon, tout ce que j’ai sorti, en fait, est… Ne vient pas de ces tiroirs. Tout ce qui y est y est resté pour l’instant. Il y a peut-être deux-trois choses qui vont en sortir un jour, mais pour l’instant non.

Pour la façon de travailler, je n’écris jamais la moindre ligne tant que je n’ai pas ce que j’appelle tous les nœuds de l’histoire. Le début, la fin, et tous les pivots qu’il y a au milieu. Parfois, j’écris, je couche sur papier les idées, mais j’ai ce petit côté Asperger qui me fait regarder mon histoire en film dans ma tête sous divers angles et différents montages et réalisateurs avant d’arriver à quelque chose qui se tienne et qui ensuite va arriver sur mon document Word. Voilà. C’est peut-être un petit peu spécial comme façon de travailler, mais c’est la mienne !

Cyril. – Non, non, mais je… Chaque auteur a sa façon à lui de travailler et ce qui est important, c’est qu’elle fonctionne et qu’elle permette de…

David. – Tant que l’histoire n’est pas complète et finie, je ne couche pas un seul mot. Et bien sûr, une fois que je commence à écrire, à le structurer derrière, l’histoire change, mais… Alors, ce n’est pas non plus… On ne va pas généraliser ; ce n’est pas le cas pour toutes mes histoires. Certaines, effectivement, sont passées par des plans plus ou moins détaillés. Esoterre, dont je parlais tout à l’heure, en fait, à l’origine, c’est un script de série télé, de l’époque où j’étais dans ce milieu-là. Et donc c’est… Voilà, j’avais déjà un scénario, des dialogues, une bible… qui ont été complètement rasés et refaits à neuf pour la version feuilleton qui va sortir, mais voilà : il y avait quand même quelque chose d’assez complet à l’origine.

Cyril. – Vous parlez de cette projection mentale du roman dans votre tête avant de commencer à porter un petit peu les choses sur le papier. Vous arrivez, comme ça, à avoir un roman entier dans la tête et voir les scènes, ou c’est sans arrêt un traveling entre une vue d’avion où on voit à peu près le territoire et, justement, une vue de mouche où on se penche sur les détails ?

David. – C’est un petit peu tout en fait. C’est ce côté cinématographique, entre guillemets, qui… J’ai une écriture… Je n’aime pas ennuyer le lecteur. Je ne veux pas qu’à un moment donné, au bout d’une page, on ait envie de sauter les dix suivantes. Ce qui m’amène en fait à avoir une construction très cinématographique, très visuelle. Même si j’essaie de faire appel à d’autres sens dans l’écriture. Et ce sens du rythme, en fait, me vient forcément du cinéma.

Et ce que vous dites au niveau de tout ce qui est sous-jacent, pour moi, ce sont les coulisses. Je ne sais pas si vous savez comment fonctionne le cinéma, mais il y a généralement, comme au théâtre, beaucoup de discussions entre le réalisateur et les acteurs pour dessiner les personnages, etc. J’ai un petit peu tout ça aussi derrière qui me permet de… d’asseoir l’histoire, les personnages, les petites choses, les petits détails… Voilà ! C’est assez difficile à expliquer. C’est peut-être mon côté Rain Man, mais voilà, c’est comme ça que ça fonctionne de mon côté !

Cyril. – Non, mais il n’y a pas du tout de côté Rain Man…

David. – Si, si !

Cyril. – Chacun a ses marottes !

David. – Voilà. J’assume ! Et puis ça me plaît comme ça, donc… Tant que ça plaît aussi aux autres, on va rester là-dessus.

Cyril. – L’aspect plaisir, vous… Après dix-huit titres publiés, est-ce que vous trouvez encore du plaisir dans l’écriture ?

David. – Euh, oui. Ça dépend des jours. Ça dépend des textes… Je sais qu’à partir du moment où je ne m’amuse plus à écrire quelque chose, soit je l’arrête, soit je le mets de côté et je le laisse couver un instant pour y revenir. L’instant pouvant durer plusieurs mois, voire plusieurs années.

Cyril. – Le plaisir est un moteur essentiel dans l’écriture.

David. – Si on ne se fait pas plaisir en écrivant, comment on peut faire plaisir aux gens qui vont lire ?

Cyril. – Non, mais je pose la question, de manière…

David. – Oui, je comprends, mais voilà : si on s’emmerde à écrire, je ne vois pas comment on peut éclater les gens qui vont nous lire. Enfin, pour moi, c’est vraiment le b.a.-ba, donc si je ne m’amuse pas, je ne le fais pas. Vu que je n’ai pas de pression spéciale…

Cyril. – Oui, vous avez donc toujours votre activité de journaliste, qui vous occupe…

David. – Qui m’écluse pas mal, oui !

Cyril. – Qui vous écluse aussi ?

David. – Oui !

Cyril. – C’est difficile de trouver le temps pour écrire ? Ou c’est une habitude que vous avez réussi à délimiter ?

David. – Non, j’avoue, je ne suis pas spécialement très discipliné comme garçon à ce niveau-là. Ça dépend des moments. Encore une fois, ça dépend des envies… Parfois, effectivement, c’est assez difficile de trouver le temps, mais… Mais voilà, quoi : on fait ce qu’on peut !

Cyril. – D’accord. Donc c’est plus pressé par l’importance du délai ou des objectifs que vous vous êtes fixés vous-même…

David. – Non, c’est vraiment… C’est vraiment l’envie ! Si j’ai le temps et l’envie, j’écris. S’il manque un des deux, tant pis.

Cyril. – Justement, je me pose la question : quand on travaille avec un éditeur et qu’on a pris un engagement vis-à-vis de cet éditeur, est-ce que cette problématique de plaisir/envie, on arrive encore bien à la gérer avec soi-même ?

David. – Pour l’instant, on n’a pas eu de délai, de deadline de rendu, avec Bragelonne. C’est vrai que j’étais arrivé avec mes textes déjà faits. Donc ce n’était pas… Pour l’instant, en tout cas, ils ne me poussent pas trop non plus, même si je pense que ça ne va pas tarder, sur le troisième tome des aventures d’Ael, suite à Légion et Prométhium. Mais voilà, pour l’instant, à ce niveau-là, je n’ai pas eu trop de pression. La pression, c’est plus pour tout ce qui est échanges éditoriaux avec mon éditrice sur les deadlines par exemple. On va commencer, je pense, bientôt, à arriver sur les derniers échanges de correction avec mon éditrice sur Esoterre. Sachant que la date de sortie du bouquin est déjà planifiée, ça met un peu les miquettes ! Mais bon, on va y arriver. On va y arriver… Il n’y a pas de raison.

Cyril. – Il n’y a pas de raison.

David. – Et puis ça se passe super bien, donc il y a deux fois moins raison.

Cyril. – Bien. Merci beaucoup David. Où est-ce qu’on peut vous retrouver et où est-ce que vous êtes le plus présent ?

David. – Le plus présent ? Je suis souvent dans ma tête, mais on peut difficilement m’y joindre.

Cyril. – Oui, mais c’est difficile de vous rencontrer quand vous êtes dans votre tête !

David. – Voilà. Il y a ce site web : davidforrest.fr, où je ne vais pratiquement jamais, donc n’y allez pas non plus ! Il y a plus la page Facebook, sur laquelle j’ai un peu plus de regard.

Cyril. – La page Facebook profil auteur ou…

David.Un petit peu les deux, ma foi. Les deux sont un peu mélangées de mon côté, donc voilà. Je suis aussi très joignable par mail. Et puis il y a Kouvertures avec le formulaire. Voilà : je suis relativement facile à trouver comme garçon, je crois.

Cyril. – Oui, j’ai l’impression que c’est sur Kouvertures que vous publiez le plus de choses, en fait.

David. – Oui, parce que… Kouvertures, ça ne parle pas de moi. Ça parle du travail des autres auteurs, donc c’est pour ça que j’ai…

Cyril. – Ah, voilà !

David. – Moins de mal à communiquer. Parce que je n’ai rien à dire sur moi. Je préfère parler des autres !

Cyril. – D’accord. Eh bien, on vous retrouvera là-bas. Merci encore, David.

David. – Merci.

Cyril. – À bientôt.

David. – Au revoir.

Cyril. – Au revoir.