Publiez vos écrits, mais pas “à compte d’auteur”

Et si on parlait un peu de la publication à compte d’auteur, ou du “vanity publishing” comme cela s’appelle bien trop souvent dans les pays anglo saxons ?

Il existe en effet deux types de contrats avec les éditeurs traditionnels : le contrat à compte d’éditeur et le contrat à compte d’auteur.

Le contrat à compte d’éditeur est celui que tous les auteurs recherchent : l’éditeur prend en charge l’édition (i.e. la correction à différents niveaux), la publication, l’impression et la distribution du livre et reverse des droits d’auteur. Souvent il versera une avance pour les droits d’auteur.

Dans ce contrat, l’éditeur a plus de pouvoir que l’auteur. C’est lui qui fixe le nombre d’exemplaires, les moyens etc. L’éditeur prend le risque financier de l’édition.

Le contrat à compte d’auteur est inversé en terme de pouvoir et de prérogatives. L’éditeur est alors un fournisseur de l’auteur, et c’est à l’auteur de prendre le risque financier et de payer certaines choses, comme l’impression etc.

La publication à compte d’auteur a longtemps connu ses lettres de noblesse dans l’histoire de l’édition, et il y a quelques livres majeurs de la littérature qui ont été publiés à compte d’auteur. Par exemple le premier roman de la série “A la recherche du temps perdu” de Marcel Proust.

Mais ne nous leurrons pas, la publication à compte d’auteur est aujourd’hui essentiellement une édition de vanité (vanity publishing en anglais), où les éditeurs cherchent des auteurs qui veulent se voir édités et leurs vendent des packages très chers en leur faisant miroiter des gains mirobolants, sans assurer pour la plupart des cas le travail que ces auteurs pensent qu’ils vont assumer.

Je ne pourrai pas parler de mes expériences personnelles, mais je pourrai citer plusieurs articles d’auteurs qui ont retiré une impression mitigée de leur travail avec un éditeur à compte d’auteur.

On peut aussi citer le personnage de Timothy Cavendish dans “Cloud Atlas” : “Je lui expliquais encore une fois que mes auteurs retiraient leur satisfaction du fait de présenter des exemplaires reliés à leurs amis, à leur famille et à la postérité”.

Aux Etats Unis, une des grandes maisons d’édition (les Big Five) a dans ses filiales une société qui se fait connaître pour vendre aux auteurs en devenir des packages hors de prix et totalement inefficaces de présentation, de présence dans des foires etc. En France, plusieurs entreprises d’édition ont des propositions commerciales qui sont proches de cet abus.

Souvent, il suffit de taper “éditer un livre” dans Google pour voir des publicités à droite et en haut apparaître, qui vantent des maisons d’édition qui accueillent tous les auteurs. Dites-vous que s’ils font de la publicité, c’est que trouver de tels auteurs suffit à leur faire gagner de l’argent.

Si ce que vous recherchez est à avoir un livre à mettre dans votre bibliothèque, avec votre nom dessus, tant mieux, allez les voir. Si vous voulez écrire pour en vivre, évitez ce genre de partenaire. Ils ont souvent en plus des clauses d’exclusivité dans leur contrat qui peuvent vous causer du tort.

Mon conseil pour apprécier ce que ces maisons font : pensez à rechercher sur internet le retour d’expérience d’autres personnes qui sont passées par ces maisons d’édition. On lit rarement des histoires horribles, mais on imagine que certains sont peu fiables. Alors que d’autres le sont plus. Que certains font exclusivement de la publication à compte d’auteur alors que d’autres font parfois aussi du compte d’éditeur. Que certains font exclusivement de l’impression à la demande, alors que d’autres feront de l’impression moins chère à l’exemplaire car avec un certain volume.

In fine, la vente de livres à compte d’auteur vous rapportera très peu d’argent.

Maintenant, vous pouvez vouloir le faire pour être en librairie. C’est bien d’avoir un livre papier en librairie…

Par snobisme, mais surtout à mon avis par triste réalisme commercial, rares sont les libraires qui acceptent de prendre des livres publiés à compte d’auteur. Rarissime même.

Si votre livre n’arrive pas en librairie car il n’est pas distribué (ça coûte cher d’être distribué), si votre livre que vous placez vous même chez quelques libraires très sympathiques et compréhensifs est présenté sur la tranche, pas de face, pas sur les tables centrales mais en rayon, à quoi cela sert-il d’avoir une version papier ?

C’est jeter l’argent par les fenêtres.

Un autre critère pour juger de l’intérêt du compte d’auteur, c’est votre aptitude, avec ce système, à vous constituer un lectorat, un groupe de lecteurs qui vont vous suivre et s’intéresser à ce que vous publiez.

Avec ce système, vous n’avez pas de relation avec ces lecteurs, ou si peu, à moins de courir les foires, les salons et d’y passer beaucoup, beaucoup de temps.

En conclusion, méfiez-vous du compte d’auteur. Vos espoirs seront des illusions.