Droit d'auteur - Préparer votre héritage numérique et transmettre vos droits d’auteur

Quand on vient de publier son premier livre, on n’a pas forcément tendance à penser à ce qui se passera pendant les 70 ans qui suivront son décès. Pourtant, c’est dès aujourd’hui qu’il faut préparer son héritage numérique…

Il y a quelques jours, j’ai vu passer un petit article sur la journée mondiale de la sauvegarde de données, et cela m’a rappelé à quel point non seulement l’essentiel de notre création était devenue intangible, mais aussi à la merci d’une perte irrémédiable.

Or non seulement nos créations devraient survivre à nos problèmes informatiques mais en plus il faudrait aussi prévoir ce qui va se passer une fois qu’on ne sera plus là, ou au moins anticiper la disponibilité de l’information pour nos héritiers et ayant-droits.

(En aparté, mon père a écrit plusieurs livres, les a fait traduire dans plusieurs langues, et il m’est très difficile de remettre la main sur tout cela, et de tracer les différents contrat qui ont pu exister).

Car un des aspects importants du droit d’auteur c’est que l’exploitation des droits patrimoniaux est acquise 70 ans à l’auteur avant que son œuvre tombe dans le domaine public. Cet aspect juridique est discuté avec plus de détails dans l’excellent livre de Margerie Véron « Le droit d’auteur pour les écrivains » que vous pouvez précommander dès aujourd’hui sur Amazon Kindle.

Voici donc quelques conseils pour assurer une pérennité à vos droits d’auteurs, notamment dans leur manifestation tangible :

Une politique rigoureuse et solide de sauvegarde est nécessaire

Le nombre de fois où j’entends des personnes se perdre de la plainte de données, perte définitive qui plus est, me sidère toujours.

Les disques durs meurent, pour des raisons mécaniques, des virus, que sais-je. Une sauvegarde quotidienne et systématique de vos données est indispensable. Et automatique aussi, sans que vous ayez besoin d’y songer ni de la lancer par vous-même.

J’ai failli perdre une fois toutes mes photos. Il m’a fallu plusieurs jours avec un logiciel pour récupérer les fichiers sur le disque dur, dont la structure était irrémédiablement corrompue. Depuis, j’ai mis en place une politique paranoïaque de sauvegarde. Une sauvegarde permanente avec Time Machine sur mon Mac (vers une Time Capsule). Une sauvegarde permanente avec Backblaze vers un serveur distant. Une sauvegarde quotidienne avec un disque externe. Une sauvegarde bi-annuelle complète stockée dans un coffre.

Plus les archives spécifiques de certains projets, à la fois sur un disque réseau chez moi et sur des DVD conservés au coffre.

Ma maison peut brûler, mon ordinateur se casser. En 24 heures, je peux être à nouveau en mode opérationnel, sans avoir perdu une seule donnée.

Toujours pour parler de mon cas personnel, il y a des livres de mon père pour lesquels j’ai dû appliquer la technique du cutter pour obtenir une version numérique : prenez un cutter, enlevez le dos du livre, faites chauffer le scanner et le logiciel d’OCR. Pourtant il a eu un TRS-80, il a utilisé l’informatique personnelle très longtemps, il a même été sur Compuserve dans les années 80 ! Les cordonniers ont mal aux pieds.

Il y a des choses qu’il faut mettre de côté

Le problème de notre vie numérique, c’est que plein de choses se retrouvent sur des serveurs, derrière des mots de passe, dans des disques. Il n’y plus grand chose de tangible, et nous ne facilitons pas l’accès à ces données.

Votre compte Amazon, quelqu’un de confiance peut-il y accéder quand vous serez mort ? Vos contrats d’édition sont-ils rangés correctement ?

Là encore, la solution la plus efficace est un coffre dans une banque, avec les données importantes et à jour qui permettront à vos héritiers de continuer à faire vivre vos œuvres et vos droits d’auteur après votre décès. Mettez-y vos contrats, des sauvegardes de vos œuvres, vos mots de passe à jour.

Assurez la pérennité de l’exploitation de vos droits d’auteur

De nos jours encore, la plupart des contrats entre un éditeur et un auteur sont encore signés pour la durée légale des droits d’auteur patrimoniaux. Je vous rappelle que cela couvre toute votre vie plus 70 ans après votre décès sauf exception qui prolonge cette durée.

On reviendra probablement dans un autre billet sur cette durée… et sur la durée du contrat avec un éditeur.

Mais sachez que si vos œuvres sont exploitées par un tiers, mais qu’il n’y pas de suivi de votre part et plus tard par vos ayant-droits, c’est la porte ouverte à des abus.

Un cas personnel : en 1997, mon père a signé un contrat sur le territoire de Grande-Bretagne et l’Union Européenne pour un livre anglais. Ensuite il a été étendu aux USA. Pour une période définie (mon père ayant été éditeur, il signait en général des contrats pour 3 ans). Il est décédé en 2012. En 2015 est sorti un livre audio aux USA de ce livre. Je m’en suis rendu compte il y a un an. L’éditeur est sous le radar, pas de site web, rien. Pendant ce temps, évidemment nous ne recevons pas de relevés de droits. J’ai le contrat d’origine avec les anglais, mais pour la cession des droits audio (à mon avis illégale), je n’ai rien, que dalle, nada.

Et ce type d’abus est fréquent. En France, on appelle cela de la contrefaçon.

Étant un peu au fait et ayant des relations, je vais sortir de cette situation. Mais qu’en est-il des personnes qui n’y connaissent pas grand-chose ?

J’ai aussi à l’esprit des auteurs que je connais dont les livres ne sont plus édités « vraiment ». Les éditeurs ont les contrats, mais n’en font rien. Difficile de trouver les livres en librairie. Pas de réponse quand on leur envoie des courriers.

Et ensuite on a la spoliation organisée de la Sofia et de ReLire. Ne me lancez pas là-dessus : malgré un jugement par la cour de justice européenne, la spoliation se poursuit.

La pérennité, c’est aussi le fait que les œuvres soient publiés, disponibles sous une forme ou une autre. Sur le maximum de canaux. Une œuvre mal publiée, c’est un livre qui meurt.

En tant qu’auteurs autoédités et indépendants, on a tendance à tout faire soi-même, et à garder les informations pour soi-même. Mais un sérieux travail administratif et de gestion au fil de l’eau est nécessaire pour éviter de voir son travail être gâché. Préparez-vous aujourd’hui.

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