Episode 42 – Professionalisation, internationalisation et doutes de l’auteur avec Alice Quinn

Dans le podcast de la semaine, je reçois Alice Quinn, auteure de nombreux romans publiée sur Kindle et ailleurs, et qui était avant auteure de littérature jeunesse (sous un autre nom).

Alice a eu un parcours en autoédition fait de rencontres, d’opportunités qu’elle a réussi à saisir. Bien sûr, tout n’est pas rose, et elle a aussi eu des incidents de parcours.

Le 8 novembre, elle fait sa première sortie mondiale ! Sortie de L’ombre du zèbre en même temps en France et dans les pays anglo-saxons, et sortie aussi en version anglaise de l’audiobook. Tout cela avec Amazon Publishing.

Alice n’est plus seulement auteure autoéditée : elle est auteure hybride, travaillant séparément avec les éditeurs en fonction des opportunités, de l’adéquation, ou publiant seule d’autres livres. Surtout, elle sépare systématiquement ses droits quand elle y arrive, entre papier, numérique, audio et audiovisuel.

Sans complexes et sans crainte, elle se professionalise donc et travaille en partenariat. Elle continue évidemment à écrire, et nous abordons également les aspects organisation, motivation, limites personnelles de l’auteur face à son livre, un sujet qui m’est cher : souvent nous nous empêchons de réaliser ce que nous pourrions faire en nous imposant inconsciemment certaines limites. Les miennes sont dans l’œuvre de fiction.

Vous pouvez écouter Alice et moi ici, nous retrouver sur iTunes ou lire la retranscription de cet entretien après la coupure…

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Cyril. – Bonjour et bienvenue dans le podcast de l’autoédition. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Alice Quinn. Bonjour Alice.

Alice. – Bonjour Cyril !

Cyril. – Alors, Alice que j’avais déjà reçue à une époque où le podcast n’était pas encore le podcast et on avait surtout parlé de la formation KBS, dont on ne va pas parler du tout cette fois-ci. Alice qui est une des auteurs que je connais qui a le mieux réussi en 2013, avec Un palace en enfer, et qui depuis s’est beaucoup professionnalisée et a avancé beaucoup, un petit peu en marge de l’autoédition : elle est plus devenue aujourd’hui une auteure hybride. Une des raisons pour lesquelles on a cette interview aujourd’hui, c’est justement pour parler de ces aspects de professionnalisation. Est-ce que tu peux nous faire un petit historique de tout ce qui s’est passé entre 2013 et aujourd’hui ? Alors, ça fait beaucoup, mais…

Alice. – Oui, ça fait beaucoup, mais je vais raccourcir. Alors, comme je suis bavarde, je te laisse me couper de temps en temps.

Cyril. – Oui, je te couperai, il y a pas de problème !

Alice. – Donc déjà, avant 2013, il faut juste savoir que j’avais déjà fait de l’édition traditionnelle et que donc, j’étais venue à l’autoédition… On va dire édition indépendante, c’est plus chic ! Parce que j’en avais marre des éditeurs et que j’avais besoin un peu de récupérer la maîtrise, on va dire, de ma vie d’auteur.

Cyril. – Tu faisais quoi comme livres auparavant ? Tu faisais des livres, comme ça, polar cozy mystery, ou tu faisais d’autres…

Alice. – Non, je faisais des livres… Alors, c’était soit des petits polars, soit des livres fantastiques, mais pour la jeunesse. C’est-à-dire les adolescents. C’était quand même déjà des romans, si tu veux. C’était pas des albums pour les tout petits. C’était des romans, mais on va dire jeunesse et young adultes. Entre douze et… Ça dépend des romans ! Ça peut être entre neuf et… Allez, dix-huit, vingt ans. Puis, après, j’ai commencé à faire un peu de la fantasy. Et la fantasy, en même temps qu’on écrit pour les ados, ça va très loin parce que ça… Les young adultes, comme on dit dans la fantasy, en fait, c’est des gens qui adorent la fantasy jusqu’à trente, trente-cinq ans.

Cyril. – Voire plus vieux.

Alice. – Oui, voire plus vieux ! Moi, je lis la littérature jeunesse. D’ailleurs, j’ai toujours trouvé complètement ridicule ces compartiments, mais ce sont les éditeurs et le marché qui ont besoin de compartimenter. Si vous allez dans un rayon jeunesse, il y a plein de romans qu’on a envie…

Cyril. – On va revenir à ton parcours !

Alice. – Oui, d’accord. Oui, tu as raison ! Alors, donc, après, en 2013, est arrivé le numérique et la possibilité de s’autoéditer en numérique. Et j’ai ressorti de mes tiroirs un roman que j’avais… Qui avait été refusé. Le roman était dans un tiroir et je l’avais proposé à des éditeurs, qui avaient considéré que la comédie et le policier n’allaient pas ensemble et qui n’en avaient pas voulu. Ils partaient du principe que les lecteurs français n’aimaient pas ça. N’aimaient pas ce genre. Et que ça se mélangeait pas. Et c’est vrai qu’en France, il y a très très peu de comédies policières. Donc moi, j’avais envie de comédie policière, parce que j’en lis beaucoup venant de l’étranger, traduites, et j’avais envie d’écrire ça. Donc ça avait été refusé. Je l’ai sorti en autoédité ; ça a été pris ; ça a bien marché.

Donc par rapport à quand tu disais une des auteurs qui a le mieux réussi, je précise : c’était en 2013. Parce qu’après, dans les années qui ont suivi, j’ai pas suivi la même courbe forcément. Mais d’autres choses ont marché et j’ai eu tout un parcours étrange. Entrecoupé d’un accident. Donc tout ça a fait que ça a fait des méandres. J’ai d’abord été éditée, on va dire, par Michel Lafon. À qui… Comme je me sentais très forte, parce que j’avais bien marché, que le roman avait bien marché sur le Kindle, j’ai réussi à négocier les droits numériques. Je les ai gardés. La durée. Je l’ai gardée. Quoique c’est pas sûr, ça. Je le fais maintenant, mais il faudrait que je relise mon contrat de l’époque. Je me suis peut-être fait avoir à l’époque sur ça. Encore. Par contre, j’ai gardé les droits audiovisuels et j’ai gardé les droits en anglais. Et j’ai bien fait de garder tout ça, puisque dans les mois qui ont suivi, j’ai eu…

Cyril. – Non, c’est même avant les mois qui ont suivi ! Toi-même, tu t’es déjà professionnalisée, dans le sens où tu t’es dit : ça a bien marché en français, il y a pas de raison que ça marche pas en anglais, puisque la littérature cozy mystery vient du monde anglo-saxon. Et c’est toi-même qui, au début, a commencé à financer ta traduction. Ce qui veut dire aussi que tu as réinvesti l’argent que tu gagnais dans ta traduction, pour faire grandir ton roman.

Alice. – Oui, oui, c’est vrai. C’est vrai que j’ai toujours eu cette optique. C’est-à-dire qu’au bout de, par exemple, un mois où il avait bien marché, je me suis repayée une designeuse qui m’a refait la couverture. Je voulais tout à fait, comme tu dis, me professionnaliser, et être… Que mon roman soit au même niveau que les romans qu’on trouve en librairie. À l’époque, il y en avait peu, d’autoédités, qui se faisaient faire des couvertures. Vraiment très très peu. Ensuite, je me suis dit… C’est pas que je me suis dit : puisqu’il a bien marché là, il pourra marcher en anglais. C’est que je me suis dit : il y a pas de raison de pas le faire. Essayons. On verra bien. S’il marche en anglais, tant mieux. S’il marche pas, tant pis. Mais j’aurai essayé. J’avais envie d’essayer. Donc voilà : j’ai initié cette traduction. J’ai donc rencontré, d’ailleurs, une traductrice qui après est passée dans la liste des traductrices d’Amazon Crossing. Parce que dans l’intervalle, quand j’arrivais à la fin de la traduction, j’ai eu une demande d’Amazon Crossing. Mais ce que je voulais dire, c’est : heureusement que j’avais, effectivement, gardé les droits anglais ! Parce que certes, ça aurait été pour m’éditer moi-même en anglais en Kindle, mais également du coup j’ai pu négocier directement avec Amazon Crossing, alors qu’ils auraient peut-être refusé de me traduire en anglais s’ils avaient dû négocier avec un éditeur.

Cyril. – Donc il faut conserver ses droits sur l’ensemble des choses quand on travaille avec un éditeur ou…

Alice. – Quand on travaille avec un éditeur, il faut bien avoir à l’esprit qu’il y a très très très très peu d’auteurs français traduits en anglais parmi les éditeurs traditionnels. Ils n’y arrivent pas. Les éditeurs traditionnels français ont beaucoup de difficultés à faire traduire en anglais leurs romanciers. Y compris certains romanciers dont on imagine… C’est des grands romanciers, qui vendent beaucoup en France, et on est persuadés, nous, en tant que lecteurs… Enfin, moi, du coup, j’ai découvert ça !

On est persuadés qu’ils sont traduits en anglais, mais j’ai découvert que non. Il y en a plein qui sont pas traduits en anglais ! Ils y arrivent pas. Y compris chez Gallimard, etc. Donc de toute façon, il faut garder ses droits anglais. On sait jamais ! Si c’est pour rien, c’est pour rien. Mais dites-vous bien que l’éditeur français, il ne fera pas mieux que vous. Voilà !

Cyril. – Par ailleurs, tu avais aussi gardé les droits audio. Donc tu t’es lancée aussi dans une aventure dans l’audio. Alors, c’était pas de l’audiobook au début, c’était un livre illustré avec Denis.

Alice. – Oui, voilà ! Alors, j’ai rencontré Denis Lecoq, qui était quelqu’un qui s’était lancé dans l’aventure de ce qu’il appelait le livre enrichi, c’est-à-dire que ça pouvait ne se pratiquer que sur e-book Apple. On avait des pages qu’on tournait et chaque fois qu’on tournait la page, on avait un son qui, lui, était continu, bien sûr, comme dans un film, comme une bande son de film si on enlève les dialogues et si on enlève la narration. Voilà. Il y avait les bruits. Les bruits ambiants, les bruits du bistrot, les bruits de l’avion qui passe, du chien qui aboie, des petites cigales, des oiseaux… Voilà, il y avait tout ça ! Et quand je l’ai rencontré, ça m’a emballée et je lui ai dit : Denis, j’adorerais tellement avoir mon bouquin avec des bruits, comme ça, comme au cinéma ! Et puis après, en discutant, on s’est dit : mais pourquoi on ferait pas une lecture, un livre audio ? Puisque ça marche et puisque ce qui fait… À l’époque, on s’était dit ça : ce qui fait la différence entre un bon livre audio et un mauvais, souvent, c’est toute la richesse du fond. Parce qu’il y avait des livres audio qui mettaient vraiment des moyens. C’était un peu comme une pièce de théâtre radiophonique, où on a des sons autour. C’est superbe !

Cyril. – Un grand souvenir !

Alice. – Ah, j’adore. Moi, j’adore ! J’adore, j’adore ! On voit… On entend les pas du type qui rentre, etc. La porte qui grince… J’adore ça ! Et donc, le plus dur était fait ! C’est le plus dur, de faire les sons. Parce qu’après, bon… Bien sûr, il faut que ça soit lu par un acteur, mais disons que c’est que de la lecture. Enfin, voilà. Et donc on s’est dit oui. Après, je lui ai dit : tu sais, j’aimerais bien lire moi. Il fallait le convaincre. J’ai dû lui faire des essais, tout ça. Bon, il a dit : d’accord ! Parce que moi, ce qui m’amusait, c’était de le lire moi, mon truc. Alors, je lui ai dit : mais ça peut faire un plus ! On peut marquer « lu par l’auteur ». J’ai dit : moi, entre un bouquin qui est lu par Stephen King lui-même ou par un acteur pas très connu, eh ben… Bon, si c’est Robert de Niro, d’accord… Mais si c’est un acteur pas forcément connu, je préfèrerais que ça soit l’auteur qui me le lise. Même si l’auteur n’est pas très connu. Dans mon cas, on n’allait pas pouvoir se payer un acteur très connu ou une actrice très connue, donc il valait mieux que ça soit l’auteur. Donc bon ! On s’est mis d’accord.

Et sur ce, lui, il m’a dit : écoute, je vais aller voir les gens d’Audible et je vais essayer de voir si on peut faire un partenariat, quelque chose. Parce que lui, ça lui faisait investir beaucoup. C’était une toute petite boîte. Il commençait son truc et il avait déjà pas mal mangé… Voilà, tout le début de sa société avec ses essais. Donc il est allé les voir. On a eu la chance qu’ils ont trouvé l’idée intéressante. Ils avaient… Ils se lançaient aussi avec… Ils étaient une filiale d’Amazon qui venait d’être rachetée par Amazon. Ils avaient envie de faire des essais aussi. Et voilà : ils nous ont aidés. Ils ont aidé… Ils ont couvert les frais de Denis. Donc Denis… On l’a fait. Ça a duré dix jours. On a enregistré. Lui, pendant ce temps, il travaillait sa bande son. On a sorti le bouquin et en fait, du coup, Denis Lecoq… Donc sa société… C’est Denis Lecoq, et sa société Hybrid’Book. Et il est devenu l’un des partenaires, maintenant, d’Amazon Audible. Puisqu’il…

Cyril. – Il travaille pour le studio Audible.

Alice. – Voilà. Il travaille, dans son studio à lui, il a des commandes qui viennent d’Amazon France et d’Amazon Allemagne.

Cyril. – Qui font la production, maintenant, eux-mêmes de livres audio.

Alice. – Oui, de certains livres audio.

Cyril. – En plus de prendre les livres audio des Audiolib et autres. Voilà. Et même du Club Positif !

Alice. – Tout, oui.

Cyril. – Moi aussi, j’ai un livre audio. Enfin, j’ai plusieurs livres audio chez Audible.

Alice. – Ah, c’est bien ! C’est bien. Donc tu as un contrat de…

Cyril. – Toujours dans la professionnalisation, et justement dans cet aspect : un livre, une fois qu’on l’a écrit, il y a de multiples façons de le décliner et de le faire vivre. Toi, tu as une expérience dans le milieu du cinéma, même si tu es restée dans le milieu du cinéma du court, et tu as justement profité… Enfin, au moment où tu as signé ton contrat avec Michel Lafon, tu as aussi gardé tes droits audiovisuels. Et là-dessus… Alors, des bonnes nouvelles dans le sens où tu as trouvé quelqu’un qui est intéressé par les droits audiovisuels… Mais en même temps, tu dis : attention, ce n’est pas parce qu’on a quelque chose sur les droits audiovisuels que c’est tout de suite Hollywood…

Alice. – Oui, ça… Bon, c’est vrai qu’on aime tous rêver. On a tous envie de rêver, et s’il y avait pas le rêve, on ferait rien ! Mais c’était quelque chose que j’avais déjà appris dans ma vie, où j’avais fait un peu de cinéma. Donc j’avais fait des courts métrages. Et après, quand j’avais voulu passer au long, je m’étais heurtée à des choses qui faisaient que oui, parfois, je trouvais des producteurs. J’avais un agent qui s’occupait de moi. J’ai signé des contrats, mais ça n’a jamais abouti.

Cyril. – Oui, et puis c’est très long, aussi.

Alice. – C’est très long et il peut se passer des années avant que finalement vous vous rendiez compte que rien. Rien ne se passe. Rien n’arrive. Donc c’est d’ailleurs un peu pour ça, moi, que j’étais venue à l’écriture de roman. Parce que j’en pouvais plus. C’était un peu mortifère. Alors donc, là, grâce à cette expérience, j’ai à la fois eu l’idée de garder mes droits audiovisuels, parce que je savais aussi que les éditeurs sont pas toujours forcément bien armés pour… Enfin, oui, ils ont tout ce qu’il faut. Ils ont l’outil. Ils sont armés. Mais est-ce qu’ils vont bien s’occuper de votre bouquin à vous ? Vous en savez rien. Comment… Voilà ! Et moi, j’avais pas envie. Après tout, je me disais : mon livre va être donné à la vente, il a été bien lu, il est… Voilà : il s’est bien vendu, donc si quelqu’un dans le cinéma doit s’y intéresser, c’est parce qu’il l’aura trouvé et qu’il l’aura lu. J’ai pas besoin de quelqu’un qui va aller frapper aux portes et mendier.

Donc j’ai gardé les droits audiovisuels. Et d’ailleurs, j’ai eu une demande aussi d’un producteur français ! Ce qui n’a toujours pas abouti. Mais j’ai eu… On a longuement parlé au téléphone et puis de temps en temps, je reçois un e-mail, une fois tous les six mois, disant : « Ne vous inquiétez pas, j’y pense toujours, mais c’est long » ! Bon, très bien ! Pendant ce temps, ça se fait ailleurs. C’est pas grave !

Et par contre, aux États-Unis, j’ai eu aussi le coup de fil, un jour, de quelqu’un qui est une boîte qui se situait aux États-Unis, à Hollywood effectivement, mais c’est une filiale d’une grosse boîte canadienne qui se lance. Ils ont plutôt des séries. Et ils m’ont demandé… La première chose qu’ils m’ont demandée, c’est… « On est intéressés par votre roman », donc ils l’avaient lu grâce à Amazon, en anglais, tout seuls. Ils l’ont lu un jour et ils se sont marré. Et la première question, ça a été : « Est-ce que vous avez un agent ? » Donc ils font rien… Alors là…

Cyril. – Oui, c’est très professionnel. Il faut vraiment passer par un agent. En plus, les contrats, en audiovisuel, sont très spécifiques et très complexes.

Alice. – Très complexes. Et même… Alors, en France, il y a beaucoup de gens qui signent directement, sans agent, avec… Enfin, beaucoup de gens… Il y en a pas tellement, mais bon… Qui signent avec des producteurs. Mais il faut se méfier. Moi, en ce moment, je suis en train d’en lire un, de contrat, d’une copine. Et c’est vraiment… Il y a de ces clauses, incroyables ! Et si on n’est pas formé, non seulement…

Cyril. – Droit de sequel, droit de prequel…

Alice. – Voilà ! Oui, oui… Et puis, tu sais, tous les petits droits : DVD, machin, tous les droits dérivés, tout… Les durées, les… Ah, c’est… Et puis ils essayent de t’entourlouper ! Ils essayent de garder tous les droits. Ils essayent de… Par exemple, d’avoir les droits du scénario ! Puisque le scénario leur appartiendra, puisque c’est eux qui vont écrire le scénario. Oui, mais pour le sortir après comment ? En édition littéraire ! Ce qui fait que ça fait doublon avec ton roman, tu vois ?! Bon, bref, tout ça, c’est des petites lignes. C’est bien enrobé. Et si tu n’as pas, non seulement quelqu’un qui fait du droit, mais quelqu’un qui fait du droit d’auteur audiovisuel, je veux dire, tu te fais avoir, c’est sûr.

Ils m’ont demandé si j’avais un agent, j’ai retrouvé les coordonnées de l’agent que j’avais à l’époque, qui a accepté de me représenter, uniquement sur ce coup-là. Je pense qu’elle, elle voulait… Elle l’a fait par amitié et elle estime que si tu veux… Voilà : vu mon parcours et vu où j’en suis maintenant, je n’ai pas besoin d’un agent littéraire. C’est pas que ça marche tellement bien ! Au contraire ! C’est que voilà : je suis pas Musso, je suis pas… Tu vois ? On reste dans le numérique. Le numérique, c’est un tout petit marché. En France en tout cas. Donc voilà, j’ai pas besoin… Et quand je traite avec Amazon, c’est direct. Et puis alors, avec Amazon, c’est bizarre, parce que Dieu sait que… Bon, Amazon, on sait que c’est la multinationale que c’est et voilà ! Mais j’ai pas peur avec eux. C’est drôle…

Cyril. – C’est une multinationale, mais d’un autre côté, les équipes, c’est des équipes avec peu de personnes à chaque fois.

Alice. – Oui, c’est peu de personnes, ils sont abordables. On parle directement avec eux. J’ai l’impression que c’est des gens honnêtes. D’ailleurs, c’est des gens qui se garantissent beaucoup. Qui ont peur des procès. Qui ont peur  que ça se passe mal. Donc j’ai l’impression qu’ils vont tout faire dans les règles, quoi. Que tout va être extrêmement bien respecté. Donc j’ai vraiment jamais eu l’impression… Si c’est une question de feeling, j’ai… Je me suis toujours sentie en toute confiance avec Amazon, contrairement aux éditeurs français ! C’est quand même incroyable !

Cyril. – En ce qui concerne les droits audiovisuels, la série est pas réalisée encore, etc. Tu as des options ? Des choses comme ça ?

Alice. – Ah oui ! Alors, voilà comment ça s’est passé pour moi. Je le dis parce que ça peut peut-être enlever des craintes à quelqu’un qui serait au même niveau et qui se dirait : mais merde, pourquoi ça marche pas ? Qu’est-ce qui se passe ? Et tout ! Non, en réalité, tout ça prend énormément de temps. Alors, entre le moment où j’ai reçu cet appel et simplement le… Ce qu’ils ont appelé le shopping agreement, qu’ils ont envoyé à mon agent, il a dû se passer au moins six mois, si c’est pas plus. C’était lent, parce qu’on tombait pas d’accord sur les termes, parce qu’ils voulaient tout gratuit pour le shopping agreement et mon agent n’était pas d’accord…

Or après on a bien étudié, on en a parlé ensemble, on a regardé les trucs aux États-Unis, on a vu que c’était quelque chose qui se pratiquait de plus en plus, la gratuité du shopping agreement, aux États-Unis. Ce qui ne se fait pas en France. Et donc c’est moi qui ai un peu insisté, en lui disant : ben écoute, il faut quand même… On n’a rien d’autre, quoi ! Dans l’intervalle, personne nous a contactés.

Cyril. – Elle a dû hurler quand elle a vu ça !

Alice. – Elle a hurlé quand elle a vu ça, et elle a raison. C’est son boulot. Voilà ! Alors chacun… On a… Mais elle a… Du coup, comme elle était contre, elle a réussi à obtenir un shopping agreement qui n’était pas nu, qui était accompagné d’un accord que si au bout de six mois, le shopping agreement n’avait rien donné, ils enquillaient sur une option payante cette fois. Donc au bout de six mois… On attendait ! On se demandait : qu’est-ce qui va se passer ? Et ils devaient à ce moment-là nous dire : « Oui, on enquille » et « Oui, on continue » et « Oui, cette fois, on vous verse un peu d’argent ». Mais en réalité, ça traînait, ça traînait, ça traînait… On se disait…

Cyril. – C’est mort.

Alice. – C’est mort, voilà ! Et en réalité, non. Ils avaient pas eu le temps, voilà… Mais ça a encore pris du temps, tu vois ! Ça a encore pris un mois ou deux avant qu’ils nous répondent : « Oui, OK, en fait, c’est parce qu’on n’a pas eu le temps, on est toujours emballés, on veut toujours le faire » et tout ça. Tu vois ? Il y a tout ça. Il y a le décalage. Il y a le fait que c’est quand même outre-Atlantique. Bon… Ça prend du temps. Mais finalement, en France, c’est le même pays, mais ça prend encore plus de temps ! Mais finalement, ils nous ont donc signé une option, cette fois. Et cette option, elle va se terminer en janvier, février. Par là. Donc ça va peut-être mettre jusqu’à mars, avril. On verra. Et puis, là, on saura si on continue.

Cyril. – Oui, en fonction de ce qu’ils ont investi eux-mêmes, si…

Alice. – Certainement, oui.

Cyril. – Toujours pour avancer dans la professionnalisation, c’est un long mot, il y a beaucoup trop de lettres ! Il y a un moment où tu t’es dit : bon, il y a dans cette activité d’autoédition tout un ensemble de choses qui me plaisent ; il y a d’autres choses qui m’amusent un peu moins ou pour lesquelles je suis moins efficace. Et tu as un petit peu… Tu es un petit peu revenue en arrière. Puisque donc, tu as commencé par Amazon Crossing pour la première version anglaise d’Un palace en enfer. Tu as continué avec eux sur le deux.

Alice. – Rosie se fait la belle.

Cyril. – Rosie se fait la belle. Et d’un autre côté, sur le marché français, tu es aussi allée avec Amazon Publishing.

Alice. – Oui, parce que ce qui s’est passé, c’est que j’ai sorti Rosie se fait la belle au moment des événements de novembre. Ce qui n’a pas facilité une comédie policière de distraction, on va dire. Et donc je me suis retrouvée un peu aux commandes d’un livre qui sortait au mauvais moment. Dans l’intervalle, il s’était passé deux ans. Deux ans pendant lesquels j’avais eu un accident. Tout ça avait changé un peu le profil de la façon dont on s’autoéditait. Même si je suis restée toujours très branchée sur tout. Je me rendais compte que c’était devenu beaucoup plus difficile et que… En fait, j’avais tout à recommencer à zéro. Et au même moment, j’ai eu… Voilà, les choses se sont faites un peu conjointement.

J’ai eu la chance d’avoir la demande d’Amazon Publishing de me prendre mon bouquin en même temps en France. Donc voilà… Je me suis dit : essayons. Pourquoi pas ? On verra bien ce qui va se passer. De toute façon, j’étais un peu dans une impasse, donc voilà, j’y suis allée franco et avec plaisir, quoi.

Cyril. – Et donc là, tu publies le troisième roman de Rosie.

Alice. – Oui. Qui s’appelle L’Ombre du zèbre.

Cyril. – Voilà. L’Ombre du zèbre. Qui va sortir début novembre.

Alice. – Le 8 novembre.

Cyril. – Le 8 novembre. Donc c’est toujours avec Amazon Publishing. Et là, en plus, tu réussis à avoir une sortie mondiale, avec la version française, la version anglo-saxonne, et une version audiobook en même temps. En anglais.

Alice. – Oui ! Audiobook américaine.

Cyril. – Américaine. Moi, je dis : chapeau !

Alice. – Oui, ça s’est fait… Alors, il y a des bonnes fées qui doivent travailler sur moi, même dans les intervalles où j’ai pas l’air de faire grand-chose, parce qu’en réalité, tout ça s’est… A pris de la…

Cyril. – Non, mais c’est aussi parce que t’as pas peur d’expérimenter des choses et de te lancer…

Alice. – Oui, c’est ça ! Moi, je fonce avec naturel, et puis je garde ma bonne humeur, parce que de toute façon, au stade où j’en suis, j’ai rien à perdre. Donc j’ai… Voilà ! Et j’ai envie… C’est ça qui me plaît, c’est ça qui m’amuse. Et en plus, de rencontrer des gens géniaux. Alors, j’ai un vrai plaisir d’être avec eux. Donc ça a dû se sentir. Ça a fait une synergie, si tu veux ! Et donc, eux, j’ai l’impression qu’ils sont contents aussi. Et quand le trois est arrivé, c’est eux qui se sont dit… C’est pas moi qui ai réussi à faire la sortie mondiale ! C’est eux qui se sont dit : « Ah, ben, le bouquin d’Alice Quinn, on va le sortir en même temps en français et en… » Voilà ! Donc j’ai cette chance d’avoir des gens… Tu sais, les gens rêvent toujours d’avoir un super éditeur qui va travailler pour eux. Eh ben, j’ai cette chance avec Amazon. Voilà. J’ai cette chance.

Cyril. – Ça veut pas dire non plus que tu as complètement abandonné l’autoédition, ni que tu n’es pas un auteur hybride. Parce que tu as d’autres activités et d’autres actualités aussi.

Alice. – Oui. Parce que… Et puis, je suis tombée un peu addict à l’autoédition et à l’autoentreprise d’auteur. J’ai envie de faire ça. Et je me sens un peu dépossédée, parce qu’ils font tout ! Ils font la couverture, ils font la… Bon, bien sûr, on parle beaucoup, mais quand même ! C’est eux qui font tout. Ils sont aux manettes. Et moi, je ne suis plus aux manettes. Donc j’ai ressorti un livre fantasy que j’adore. Et là aussi, je voulais pas le sortir simplement en autoédition. Je voulais faire encore une autre expérience. Donc j’ai essayé avec monBestSeller.com de l’éditer en feuilleton. Ça passait deux fois par semaine et le roman, comme ça, se déroulait. Et donc voilà… J’avais pas beaucoup le temps de m’en occuper, mais je me suis dit : voilà, c’est un moyen de le faire lire.

Et puis de toute façon, j’étais contente qu’il soit lu. Voilà ! Ça m’a permis de retravailler un roman que j’avais sorti il y a quelques années. De le retravailler complètement et puis… Voilà, ça m’a apporté beaucoup de ce côté-là. Et en même temps, du coup, c’est allé aux oreilles d’un libraire en ligne. Je vais faire une expérience, maintenant, avec un libraire en ligne, qui va me le prendre, parce que je peux pas beaucoup m’en occuper, de ce petit bébé-là. Donc voilà ! Mais par ailleurs, j’ai… Non, mais je suis un peu… Un peu cinglée !

Cyril. – Qu’est-ce que tu fais d’autre, encore ?!

Alice. – J’ai un roman, qui est un roman que j’avais écrit, que j’aimais beaucoup mais qui était très spécial. Que j’ai toujours un peu considéré, tu sais, comme si j’avais eu, dans tous mes bébés que j’ai faits (c’est les romans) un qui était un peu un roman, on va dire, anormal. Handicapé. Je sais pas. Qui a des difficultés. Et c’est ce roman-là, parce que c’est un roman très noir, très glauque, très déprimant… Qui raconte une descente dans la folie de ma protagoniste principale. C’est une folle. Elle est folle. Elle a… Voilà : c’est une femme obèse, folle, et qui a un tel désir d’enfant qu’elle est prête à tout pour avoir un enfant. Et donc… Il faut dire que dans mes pérégrinations de maman adoptive, j’avais rencontré des gens qui avaient des profils parfois un petit peu spéciaux ! Et c’est ça qui m’avait donné l’idée. Et j’ai pas eu beaucoup à monter, on va dire, à amplifier, tu vois, le côté émotionnel pour rentrer dans ce personnage. Mais je regrettais que… Alors je profite d’ailleurs de ce podcast pour prévenir les gens que ce roman va sortir avec le label Les indés de Laurent Bettoni, en principe en janvier ou février. Je sais pas encore exactement quand. Ce roman s’appelle Fanny N. et je préviens mes lecteurs et mes lectrices qu’ils ne doivent pas le lire.

Cyril. – J’adore ça, l’auteur qui dit : « Ne lisez pas mon livre ! »

Alice. – Laurent va me tuer, mais c’est un livre qui… Je sais que mes lecteurs…

Cyril. – Ne le lisez pas en pensant que vous avez trouvé un Alice Quinn cozy mystery qui mélange l’humour et d’autres aspects.

Alice. – Non.

Cyril. – Qui sont toujours un petit peu plus sociétaux et un peu plus noirs, quand même, mais quand même avec un peu d’humour.

Alice. – Oui, oui ! Là, il n’y a pas d’humour. Ou alors il est très très très noir. Et difficile à déceler ! Il y a… C’est un roman dur et je dirais que, en tout cas, les personnes qui… Quand ils lisent mes romans, ont envie de se sentir bien… Ils les lisent pour ce qu’on appelle le feel good maintenant. Qui les lisent parce qu’ils ont envie d’avoir la pêche. Parce que je sais que Rosie Maldonne, elle donne la pêche aux gens et que voilà, elle les aide à affronter le quotidien. En fait, là, non ! C’est tout le contraire. On ferme le livre, on est déprimé. Donc voilà ! Donc je préviens les gens fragiles de pas le lire. Maintenant, s’il y a des gens… Voilà ! Par ailleurs, c’est un livre que j’aime beaucoup. Voilà.

Cyril. – Oui, en tant qu’auteur, on a différents aspects.

Alice. – Je suis fière de ce livre. D’avoir écrit ce livre, quand même.

Cyril. – On va continuer sur, justement, l’activité d’auteur dans un instant, mais tu as encore aussi une autre actualité sur un autre roman, que tu avais ressorti toi aussi en autoédition et qui maintenant ressort en papier et…

Alice. – Ah oui ! Oui, c’est Le…

Cyril. – Tu vois, il faudrait que tu fasses une liste !

Alice. – Oui, il faudrait que je fasse une liste. C’est ce petit éditeur qui s’appelle… Je dis petit éditeur, mais c’est pas un si petit que ça ! Mais disons qu’il fait pas partie de ce paysage éditorial parisien. D’ailleurs, sa boîte n’est pas à Paris. Mais il est distribué et diffusé par Hachette et par exemple, mon bouquin, il est en ce moment dans les Géant Casino, dans les trucs comme ça. Donc je suis très contente ! Mais il a donc sorti…

Cyril. – Il nous faudrait le titre et le nom de l’éditeur.

Alice. – Le garçon qui rêvait de voler en Cadillac. Cette fois, c’est une comédie. Et l’éditeur, c’est City Éditions. Et c’est une comédie qui raconte la relation entre un gamin de la DDASS et un vieux papy accordéoniste de l’époque et qui parle comme les Tontons flingueurs, on va dire. Et comme dans tous mes romans, j’ai essayé de mélanger de la comédie pure, vraiment quelque chose qui fasse au moins sourire et qui allège notre quotidien, mais qui en même temps parle de… Voilà, de choses sociales qui existent, qui arrivent. De la difficulté des gens et… Voilà, avec un peu de tendresse. Donc cet éditeur a bien aimé ce bouquin. Il a voulu le sortir. J’ai réussi à garder les droits numériques, les droits audiovisuels, les droits en anglais, et banco, on est partis, quoi !

Cyril. – Oui. Aujourd’hui, un auteur doit faire très très attention, quand il a la chance de rencontrer un éditeur qui veut lui prendre son livre, à ne pas se lâcher et donner tous les droits, comme ça… Toi, tu dis : « Il faut toujours faire attention à bien garder… »

Alice. – Oui, mais tu sais, Cyril, chaque auteur en est là où il en est. Et il y a des… Il y a des jeunes auteurs, dont c’est les premiers romans. Ils ont la chance que ce soit… Le roman a été remarqué grâce à Amazon, et puis ensuite, ils ont la chance d’avoir des éditeurs, et pas des moindres : des gens comme Flammarion, Mazarine, Fayard, Michel Lafon, et d’autres, qui s’intéressent à ce qu’ils écrivent. Donc je comprends en même temps…

Cyril. – Moi, je comprends toujours la situation. C’est vrai que c’est très difficile.

Alice. – Ils ont pas forcément envie de froisser cet éditeur. Ou, d’ailleurs, l’éditeur leur met peut-être le marché en main : ou c’est ça, vous me donnez tous les droits, ou pas ! Donc à eux de voir : est-ce que je reste en autoédité ou est-ce que je veux passer cette frontière ? Ça reste une frontière. Ça reste quelque chose d’extraordinaire, d’avoir un de ses livres en librairie, tu vois, donc… C’est normal qu’on ait envie de le faire ! Moi, personnellement… Après, j’en rencontre d’autres, tu sais, qui ont mon âge et qui ont eu déjà un passé avec des éditeurs, qui disent comme moi : au stade où j’en suis, j’en ai rien à faire ! S’ils acceptent pas mes conditions, j’y vais plus, chez eux. Et puis voilà.

Cyril. – Non, mais, j’ai pas mal d’auteurs qui viennent de l’édition normale, avec lesquels je suis en contact… Ils sont pas encore rentrés dans l’autoédition, quand même ! Ils ont quand même encore quelques difficultés à se dire que l’autoédition, ils peuvent le faire et tout et tout…

Alice. – Oui, mais il y en a !

Cyril. – Mais il y en a.

Alice. – De plus en plus !

Cyril. – Il y en a de plus en plus.

Alice. – Il y en a ! Il y en a… Parfois, on est étonné. On les sort… On voit un nouvel autoédité, on regarde le bouquin, ça a l’air pas mal, tout ça, on lit… Et puis après, on va sur le truc et on voit qu’ils ont vingt bouquins derrière.

Cyril. – Vingt bouquins derrière eux, oui.

Alice. – Oui, en édition traditionnelle, depuis vingt ans. Donc… Non, non, il y en a de plus en plus ! Je dirais, cette année, en deuxième semestre 2016.

Cyril. – Sinon, tu restes quand même aussi, donc, une auteure, une autrice, et en ce moment, tu es en train de travailler sur un nouveau roman. Donc on va entrer plus là dans l’aspect rédaction, dans l’aspect technique, dans l’aspect aussi développement personnel, parce que… Moi, personnellement, je trouve que c’est très dur de s’asseoir et de se lancer dans un roman et d’être sûr de soi et de pas avoir peur du jugement des autres, etc. J’ai beaucoup moins cette difficulté sur les livres pratiques, parce que là, c’est un savoir-faire souvent très technique et des choses comme ça… J’ai toujours un peu peur du jugement des autres ! Mais beaucoup moins.

Alice. – Non, c’est pas pareil.

Cyril. – Mais sur de la fiction, j’ai l’impression qu’on sort plus ses tripes, qu’on sort plus ce qu’on a à l’intérieur de soi, etc. Bon, je vais arrêter de parler, maintenant ! On va t’écouter. Alors, tu es en train de travailler sur un roman, et là, tu changes de style.

Alice. – Oui, voilà, je change de style. Donc du coup, je suis de nouveau en instabilité. C’est-à-dire que tout ce que tu disais : c’est difficile d’affronter le jugement des autres, de s’y mettre, etc. D’autant plus quand on est quelqu’un qui manque de confiance en soi ! C’est quand même mon cas, contrairement à ce que je peux paraître. Et donc… Il faut toujours… Jamais abandonner. Voilà, il faut jamais abandonner. Quand on veut quelque chose ! Et moi, je voulais… Je voulais partager. Je sentais que j’avais en moi des tas de choses à donner, à écrire, et à partager. Et je voulais rencontrer des lecteurs ! Donc il a fallu que je m’y mette complètement différemment et que je réapprenne plein de choses. Ça a été bénéfique en ce sens où quand même… Voilà : je me suis rendu compte du boulot qu’il y avait, quoi ! Et puis que c’est pas parce qu’on est un grand lecteur et qu’on lit énormément depuis toujours qu’on sait écrire. Non, ça n’a vraiment rien à voir. Et pourtant, j’avais écrit beaucoup de scénarios ! C’est-à-dire que j’avais déjà acquis le sens de la structure et des dialogues. Mais voilà, écrire, c’était autre chose.

Donc maintenant que je change complètement de registre et que je passe de la comédie policière à quelque chose… Il y a toujours du policier, mais je suis là, maintenant, si tu veux, dans un roman, on va dire, historique, de mœurs, policier. Voilà. On va dire comme ça. Je saurais pas trop comment le définir. Et donc je sais pas du tout où je vais. Alors, j’ai eu besoin de bien bien bien m’installer en amont sur le… On va dire le dépliant. En cinéma, on dit le séquencier. Voilà ! Séquencier de mon roman. Donc j’ai travaillé presque deux mois sur ça.

Cyril. – Tu as fait toutes tes séquences. Tu as prévu une centaine de séquences, c’est ça ? Quelque chose comme ça.

Alice. – Oui, oui ! Je suis arrivée à une centaine par hasard. À peu près une centaine de séquences. Que j’ai ensuite rangées dans mon Scrivener à gauche. Donc j’ai rentré chapitre par chapitre. Un chapitre après l’autre. Et dans chaque numéro de chapitre, j’ai le titre à gauche dans la colonne, et à droite dans mon panneau d’écriture j’ai dix lignes ou vingt lignes du résumé de cette scène. Et ça se déroule comme ça. Donc quand j’arrive à la fin de la scène 3, j’attaque la scène 4, j’ouvre… Tu vois, j’ai même plus besoin d’y penser ! Qu’est-ce que je vais dire après ? Non. J’ouvre : ah oui, c’est la scène qui raconte ça ! Parce que j’ai déjà travaillé. En déroulant mes séquenciers, je les ai déjà mises dans tous les sens, tricotées d’une certaine manière, avec les temps forts à tel endroit, etc. J’ai fait de telle façon qu’en fait… Bon, il va y avoir certainement encore de la restructuration, et les choses bougent encore, mais peu. Très très peu, par rapport à… Parce que la préparation est vachement avancée.

Cyril. – Par rapport à ce que tu faisais avant.

Alice. – Voilà. Et j’avais besoin de faire ça parce que c’est une commande, on va dire, entre guillemets, qui est venue… Pas une commande du sujet ! Le sujet, c’est moi qui l’ai initié. Mais disons que j’ai une… Pas une commande, alors je sais pas comment dire, mais une… J’ai déjà un à-valoir auteur avant l’écriture. Donc c’est absolument génial ! C’est la première fois que ça m’arrive ! C’est merveilleux, c’est extraordinaire, et c’est en même temps un peu anxiogène puisque j’avais peur de rater mon coup complètement. C’était un sujet nouveau. Et j’avais peur aussi de pas respecter les délais. C’est pour ça aussi que je me suis fait un cadre tellement solide en amont. Et puis… Et puis maintenant, je suis largement rassurée, puisque j’ai atteint à peu près les 80 % et que ça va bien et que c’est extrême… Ça me paraît extrêmement facile à écrire. Ce qui ne veut pas dire que ça va être bon.

Cyril. – Oui, on en parlait avant, et tu disais que ça nourrissait un petit peu un nouveau doute ! Le fait que ce soit facile à écrire, comme ça.

Alice. – Oui. Oui, oui, tout à fait ! C’est… Alors, est-ce que ça vient de cette préparation ? Est-ce que ça vient du plaisir ? Parce que pour moi c’est un vrai… C’est un bonheur de travailler sur ce sujet, parce que c’est une idée que j’avais eue en faisant des ateliers d’écriture avec des élèves. Je leur faisais écrire des nouvelles de ce type et à chaque fois je piaffais dans mon coin en me disant : j’ai envie de le faire ! J’ai envie, mais j’ai envie de développer ça en roman, vraiment. Et là, enfin, je peux y aller ! Donc on peut dire que ça a mûri longtemps ! Mais du coup, cette facilité que j’ai à écrire provoque en moi, effectivement, un doute qui est de l’ordre de… C’est pas possible, si c’est si facile, c’est que c’est merdique, quoi. Voilà !

Alors, j’ai fait lire les premières vingt-cinq ou trente pages à deux proches, pour avoir un retour, au moins me dire : est-ce que je me plante complètement ? Parce que je me disais : peut-être, moi, je me régale, là ; je suis en train de boire du petit lait en écrivant ça, mais peut-être ça va ennuyer tout le monde ! Et en fait, bon, le début accroche. C’est le retour que j’ai eu. Donc je pense… C’est l’essentiel pour moi. Parce que c’est ce qu’il faut qu’on fasse ! Il faut qu’on arrive à accrocher un lecteur dans les premières pages. Parce que sinon, c’est pas la peine : il ferme le bouquin au bout de dix pages. On a raté notre coup.

Cyril. – Et alors, dans ce roman-là, est-ce que tu fais comme ce que tu fais dans Rosie, à savoir développer plusieurs fils narratifs, avec un fil narratif plutôt… En l’occurrence, dans Rosie, tu mélanges les genres…

Alice. – Oui, dans Rosie… L’idée de Rosie… Bon, déjà, en choisissant ce type de personnage qui était une femme, on va dire, du lumpenprolétariat, jeune, inhabituelle, pauvre, avec trois gosses en bas âge, qui vit dans une caravane… C’était un personnage inhabituel. Bien sûr, pourquoi je l’ai choisie ? Pour montrer que sur la Côte d’Azur, il y a autre chose que des Ferrari qui passent sur la Croisette et donc que tous ces gens… Il y a aussi des gens qui ont du mal à joindre les deux bouts, qui vivent que du RSA, et j’en profitais… Mais ce que j’avais toujours fait aussi dans mes romans pour la jeunesse ! J’en profitais pour dérouler un fil, effectivement, qui soit on va dire social, avec… Où on voit des gens, leurs difficultés de vie… À travers une histoire policière. Donc j’ai un premier fil, toujours, qui est le fil de la comédie. Pour moi, c’est un exercice merveilleux. J’aime lire de la comédie. J’aime regarder des comédies. Et… C’est très difficile pour moi. J’ai pas forcément beaucoup d’humour dans la vie ! Et donc je dois… En plus, chaque humour appartient à celui qui le pratique. C’est très difficile à partager, l’exercice de l’humour. Et donc… Mais je me régalais ! Et mon but, c’était… Effectivement, la première fois que j’ai… Où j’ai écrit le premier Rosie, c’était pour me faire rire moi. J’avais besoin de rire. Et je ris en l’écrivant. Bêtement ! Je ris bêtement à mes propres blagues. Tu sais, comme les gens qui font des blagues, personne rit et eux ils rient tout seuls… Bon, ben, c’est un peu moi ! Et je me dis : si moi je ris, il y aura peut-être une ou deux personnes qui vont rire aussi ! Voilà. Maintenant, si les gens ne font que sourire légèrement, ça me convient aussi. C’est déjà pas mal. Je suis déjà contente. Après, il y en a qui trouvent ça nul. Tant pis. On ne peut pas plaire à tout le monde. Donc je fais ça.

Et dans le roman actuel, en fait, je n’ai pas ça. Parce que ce n’est pas une comédie. Donc j’ai… Au départ, on va dire que plutôt qu’une comédie principale, j’ai un tableau, un portrait de Cannes au xixe siècle, à l’époque où ça commençait à devenir une ville on va dire européenne, qui recevait toutes les têtes couronnées, etc. de… Voilà : où ça commençait à sortir de sa gangue de village de pêcheurs. Avec énormément d’Anglais : 50 % de la population était anglaise en hiver. Donc il y a ça, et en même temps, je fais un portrait des femmes de l’époque, puisque mes deux héroïnes principales sont deux femmes. Donc il va y avoir, forcément, la façon de vivre des femmes, la condition des femmes à cette époque-là. Dans un Cannes un peu idéalisé, mais pas seulement. Où on va voir aussi des choses… Mais avec une vision, forcément, qui est… Avec ce décalage d’un siècle et demi, c’est forcément une vision qui va être légèrement idéalisée. Ce n’est pas un documentaire ! Mais en même temps, j’aurai une histoire policière. Ça se situe… Ça reste un cozy mystery… Historical on va dire ! Voilà. Mais pas comédie ! Cozy.

Cyril. – Donc tu rajoutes une… Voilà, c’est ça : tu rajoutes une nouvelle catégorie dans l’arbre des catégories Amazon. C’est cozy historical mystery !

Alice. – Voilà, exactement ! Exactement. Entre… Je dirais que moi, j’aimerais… Bon, parce que les romans que j’aime dans ce genre, ça serait… Les Sherlock Holmes, les Hercule Poirot, les Wilkie Collins… Voilà, les gens comme ça ! Mais bon, il y a aussi les Maupassant, les Flaubert, les… Voilà, les vrais écrivains du xixe que j’adore… Les Dickens… Tu vois ? Et j’essaye de me nourrir de tout ça. Voilà ! J’essaye de me nourrir de tout ça…

Cyril. – Il y en a un que j’ai oublié, là… Le Crime de la rue Monge, des choses comme ça.

Alice. – Oui, voilà, voilà ! Il y a Edgar Poe…

Cyril. – Voilà, Edgar Poe !

Alice. – Edgar Poe… Il y a… Oui, oui, il y a plein de gens ! Il y a Henry James… Il y a Edith Wharton, qui a écrit d’ailleurs des choses qui se passent aussi sur la Côte d’Azur, à Hyères, à Saint-Raphaël… Qui sont magnifiques ! Bon, alors, elle, c’est plutôt des romans de mœurs où on voit la condition féminine justement, dans des milieux bourgeois ou aristocratiques américains, et parfois ça se passe sur la Côte d’Azur. C’est génial, quoi ! Voilà, je me régale avec tout ça. Bon, il y a les Jane Austen, il y a les Brontë que j’adore… Non, non, il y a plein… Il y a de quoi… Alors, tu imagines le régal que c’est de se plonger là-dedans ?

Cyril. – Oui, j’imagine.

Alice. – Voilà. Et… C’est un rêve. C’est un rêve ! Et pour écrire… Alors, bon, moi, bien entendu, c’est de l’Alice Quinn ! Mais j’espère que la jubilation que je ressens en l’écrivant va passer auprès des lecteurs.

Cyril. – Va se transmettre.

Alice. – C’est mon espoir. C’est mon rêve. Mon objectif. Voilà !

Cyril. – Alors, je voulais revenir un petit peu, justement, sur l’aspect « je m’assois et je commence à écrire ; je mets mes doutes de côté et je me lance ». Quel est le plus dur pour toi ? Ou quel est le plus facile pour toi ? Enfin, comment est-ce que tu fais, justement, pour amorcer cette séance ou ces séances d’écriture ? Et d’ailleurs, combien de temps tu passes à écrire ? Commençons par une question simple !

Alice. – Ça, je pense que tous les auteurs indépendants vont… Ont tous leur expérience de ça. Après, ça dépend justement du degré de doute et du degré de confiance en soi. Moi, j’ai vraiment besoin de me faire régulièrement des espèces de mantras positifs où je me persuade… Ou pas ! Mais en tout cas, je me le dis ! Que ce que j’écris est bien, que ça vaut la peine d’être écrit et que ça va rencontrer des lecteurs qui vont apprécier. J’ai besoin de me dire ça, parce que sinon, je n’aurais pas le courage de le faire ! Et puis ensuite, lorsque je m’y mets… Alors, j’ai besoin aussi… Ça, ça participe aussi d’une espèce de relaxation, tu vois, dans le sens yoga… J’ai besoin…

Par exemple, je n’écris pas assise à un bureau, parce que ça, c’est pour écrire des lettres, pour écrire des e-mails, des trucs comme ça. J’ai besoin d’être… Alors, tout le monde va dire que je suis feignante, mais j’ai besoin d’être dans mon lit ou dans un canapé, bien installée, avec des coussins partout, parce que quand tu écris longtemps, ça fait mal au dos. Donc je m’appuie bien, tu vois ? Et puis encore plus depuis mon accident ! Donc voilà, je suis bien bien installée sur des coussins. Et je dois dire que je n’ai plus du tout ni mal à la nuque ni mal au dos ni rien du tout ! Parce que je me suis trouvé vraiment un bon système pour l’écriture, pour bien soutenir mon dos. Et cette position, moitié… Pas allongée, mais tu vois, dans une position assise relaxée, me permet finalement d’atteindre une espèce d’état de transe. Voilà, de partir dans le rêve, dans… Mais une fois que je commence à écrire, c’est un peu comme quand tu fais une visualisation, une relaxation, tu vois ?

Cyril. – Tu ne vois plus les mots, tu ne vois plus le logiciel que tu utilises, tu vois juste l’histoire que tu es en train de raconter, tes personnages…

Alice. – Oui. Les tissus, les odeurs… Les matières, les sons. Voilà ! C’est vraiment complètement kinesthésique comme expérience. C’est-à-dire : je plonge dedans. Un peu comme si… Non seulement comme si je regardais un film, mais même je dirais comme si je plongeais dans l’écran. Tu vois ? Voilà. C’est vraiment ça, la sensation. Donc c’est… C’est vrai que du coup, c’est une sensation très très agréable ! Alors, ça… Il reste que de nos jours, il y a… Je suis sur un écran, pour écrire. Et donc j’ai à gérer, comme tout le monde, les…

Cyril. – Les interruptions…

Alice. – Voilà : les interruptions, les petits bip-bip qui arrivent au coin de l’ordinateur avec des e-mails. Je ne veux pas couper ça pour ne pas être coupée du monde au cas où il arriverait quelque chose à mes enfants ou quoi, donc je veux le garder.

Cyril. – Il y a non seulement l’ordinateur, mais il y a aussi le smartphone qui vibre dans tous les sens !

Alice. – Voilà ! Et donc du coup, c’est ça qui est difficile. Et c’est difficile avant de s’y mettre, le matin. C’est-à-dire, j’ai décidé de m’y mettre tous les jours, de 9 h à peu près à midi, 13 h. Je me lève tôt, donc je commence… En général, entre 8 et 9, je réponds aux mails et tout ça. Ou j’envoie mes mails urgents de la journée. J’essaie de les envoyer avant 9 h, mais parfois ça déborde un petit peu. Si je découvre, par exemple, un post intéressant sur Facebook entre 8 et 9 et que je veux absolument y répondre ou participer, ben, du coup, ça va déborder un peu. Bon ! Mais ça, ça m’énerve ! Là, je commence à culpabiliser, à me dire : ah, je suis nulle, j’ai pas d’autodiscipline, etc. Tu vois ? Bon, on n’est pas des robots non plus, donc disons que voilà : entre 9 h et 9 h et demie, en général, j’arrive à passer le cap. Et après, par contre, je me mets virtuellement dans une forteresse inatteignable. Personne ne me joint. Je ferme le rideau. Je suis dans un magasin fermé. Et plus personne ne rentre. Voilà. Et personne ne me parle. Alors, si quelqu’un arrive, de ma famille, oui, oui, non, non, mais vite, quoi !

Cyril. – Tu réponds ? T’es gentille, toi, parce que moi, quand j’écrivais un roman, il y avait quelqu’un qui rentrait dans la chambre, c’était comme si cette personne n’était pas là ! Elle pouvait me parler, je ne répondais pas.

Alice. – C’est une de mes faiblesses, c’est que j’ai du mal à ne pas répondre, moi, quand on me pose une question, quand on me demande quelque chose. Je suis… Voilà, je réponds.

Cyril. – Je te reposerai des questions comme ça sur tes petits secrets à toi.

Alice. – Oui, oui… J’en ai d’autres ! Je vais pas tout dire, quand même !

Cyril. – Non, je sais déjà que tu lis Détective et les trucs avec tous les faits divers à l’intérieur… On va parler maintenant surtout de la sortie du nouveau roman. Alors, c’est L’Ombre du zèbre. La troisième aventure de Rosie Maldonne. C’est pas une série, Rosie Maldonne ! C’est vraiment des romans… Chacun différent… Pas un épisode. C’est pas feuilletonnant du tout.

Alice. – Chaque roman n’est pas un épisode, bien entendu, parce que chaque roman est terminé comme une saison qui se termine complètement. Et voilà ! C’est pas non plus comme une série, où la saison n’est pas terminée, la première saison, et puis on attend la deuxième, on attend la troisième pour avoir la fin. Non, c’est pas ça non plus. C’est… On va peut-être… Je sais pas comment on dirait ?

Cyril. – Et qu’et-ce qui lui arrive, donc, à cette Rosie, cette fois-ci ? C’est quoi, l’incident du début qui fait que ça devient intéressant d’écrire sur sa vie ?

Alice. – Alors, Rosie Maldonne, là, dans le troisième tome, ce qui m’a beaucoup amusée, c’est de lui faire revêtir le costume d’une psy. D’une psychanalyste. Alors, elle… Ce qui peut paraître étonnant !

Cyril. – Oui, tout de même !

Alice. – Mais peut promettre pas mal de choses rigolotes, parce qu’imaginer Rosie Maldonne, avec ses recettes de grand-mère, devenir psychanalyste, on se dit : les pauvres… Les pauvres patients, qu’est-ce qui va leur arriver ?! En fait, ce qui se passe, c’est que Rosie, au début du roman, elle est cool, elle est contente. Sa vie s’arrange à peu près. Elle a moins de dettes, donc elle voudrait un peu se poser. Mais le jour où elle décide de s’allonger dans son hamac, il fait beau : pof, deux coups de fil coup sur coup. Une première amie qui a eu un accident et qui veut lui faire garder son adolescent. Donc bien entendu, Rosie ne refuse jamais ce genre de chose. Elle aide toujours tout le monde, donc elle accueille dans sa caravane cet adolescent. Et deuxième coup de fil : l’autre bonne copine qui veut absolument partir en vacances. Elle est pas partie en vacances depuis une éternité et elle est femme de ménage. Et donc, elle va la remplacer comme femme de ménage. Femme de ménage de qui ? D’une psychanalyste. Voilà. Et c’est comme ça qu’il va y avoir des…

Cyril. – C’est comme ça qu’elle devient psychanalyste !

Alice. – Voilà ! C’est comme ça qu’elle va, à la suite d’un quiproquo, se retrouver dans la position du psychanalyste, derrière le bureau, pendant que quelqu’un est allongé sur le truc et les patients vont croire que c’est une nouvelle méthode et qu’elle est… Bien qu’elle s’en décrie et qu’elle arrête pas de leur dire qu’elle n’est pas psychanalyste, voilà, elle va être obligée de les… Bon ! Alors, en même temps qu’il y aura ce fil comique, avec des entrées, des sorties, dans l’appartement, dignes de Feydeau à tel point que des fois je me rappelais plus qui était entré, qui était sorti et où on en était… En même temps que ça, l’adolescent va tomber amoureux d’une petite adolescente, qui elle est une Albanaise victime d’un trafic d’enfants. Borderline, parce qu’elle est sur le point d’être emmenée par ces trafiquants et de devenir… Comment on appelle ça ? Enfin, de se prostituer. Enfin, pas de se prostituer, mais d’être esclave sexuel, etc.

Cyril. – Passer dans la traite des blanches.

Alice. – Donc on a… Justement, Rosie va arriver au bon moment pour que ça soit pas trop dramatique. Mais ce sont des histoires réelles. Donc voilà, ça, c’est mon deuxième fil. Mon fil social. Qui mêle à la fois la mafia, mais aussi des faits de société. Alors, c’est pas toujours évident, dans une comédie, de mettre quelque chose de policier, parce que je veux pas… On peut pas faire tout d’un coup des choses trop noires, trop dures, alors qu’on vient de faire rigoler les gens sur quelque chose et qu’il y a Rosie Maldonne qui débarque aves ses gros pieds dans le plat. On peut pas faire ça. Donc il faut toujours que je reste sur le fil et que ça reste quelque chose qui à la fois peut émouvoir, peut faire réfléchir, mais sans être trop trop dur, quoi ! Sans…

Cyril. – Oui, parce que sinon, de toute façon, tu te retrouves à faire le grand écart entre deux genres qui sont complètement différents et tu y arrives pas.

Alice. – Non, et puis ça s’y prête pas ! Et puis ça serait indécent, je trouve, tu vois. Parfois… Parfois, ça peut l’être. Quand on écrit des choses, on se dit : non, ça va, il y a des gens qui en ce moment sont en train de vivre ça, vraiment on n’a pas envie de s’en distraire, tu vois ? Voilà. Donc voilà l’histoire ! On va avoir cette jeune fille… En tout cas, le jeune adolescent tombant amoureux va devoir sauver cette jeune fille. Et bien sûr, à la fin, ça finit dans une apothéose de tempête comme nous avons eu l’an dernier à Cannes. Au mois d’octobre. Il y a un an exactement. Où il y a eu un ouragan qui s’est déchaîné et où il y a eu vraiment des scènes apocalyptiques dans Cannes, avec des torrents de deux mètres de haut qui dévalaient les rues. Les voitures, les gens emportés. Des morts. Enfin, etc. Et donc j’ai fini sur ça. Et la pauvre caravane toute cabossée de… J’ai spoilé un peu la fin, mais bon… J’ai pas dit comment se déroule l’histoire de psychanalyste et j’ai pas dit comment se déroule vraiment l’histoire de la jeune fille non plus. Mais voilà !

Cyril. – Tu te spoiles toi-même !

Alice. – Je spoile seulement la tempête.

Cyril. – Non, mais c’est aussi un événement marquant. C’est un événement qui toi, t’a… Enfin… Tu as vidé ta cave ?!

Alice. – Ah ben oui ! Mais j’ai eu de la chance. Ce n’était que ma cave.

Cyril. – Oui, tu as eu de la chance encore.

Alice. – Oui, oui, j’ai eu de la chance… Mais combien j’ai jeté de livres ! Combien j’ai jeté de livres… Ne serait-ce que ça. Bon, allez, on n’est pas là pour parler de ça !

Cyril. – Donc il sort le 8 novembre, sur tous les bons Kindles.

Alice. – Sur tous les continents !

Cyril. – Et sur tous les continents en même temps, oui !

Alice. – Et je vais faire à cette occasion… Je vais lancer un petit concours.

Cyril. – Ah, tu nous diras plus tard ce que tu fais sur ton concours !

Alice. – Non, non, non, non ! Je peux déjà un petit peu juste dire que ça… Je poserai une question dans les jours qui viennent. Pour demander si les gens seraient prêts à faire… Parce que c’est un concours qui demande une participation active ! Voilà, c’est tout ce que je dirai pour l’instant. Je sais pas, quand le podcast sortira, peut-être que le concours sera déjà…

Cyril. – Fini ! Non mais voilà, l’idée, c’est de continuer à faire un petit peu du marketing d’auteur, parce que tu fais quand même encore ton marketing d’auteur, même si tu es avec certains éditeurs, etc. Mais aussi de faire des choses qui t’amusent.

Alice. – Oui, voilà ! La différence, maintenant, c’est que si je décide de faire du marketing, c’est pour m’amuser. C’est parce que j’ai envie. J’ai envie de pas me sentir absente de la sortie de mon livre. J’ai envie d’être partie prenante de cette sortie. De pas laisser tout faire à l’éditeur. Mais j’ai aussi envie que ce marketing soit pas quelque chose de barbare ou qui m’ennuie.

Cyril. – De barbant.

Alice. – Ni qui me… Juste me prend mon temps pour rien ! J’ai envie que ça m’amuse. Et tel que j’ai imaginé ce petit concours, ça va beaucoup m’amuser. Si ça marche… Enfin, je veux dire, si les gens réagissent. Si les gens réagissent pas, c’est pas grave, j’aurai pas… Voilà, j’ai essayé de faire en sorte que ça me prenne pas trop de temps mais que ça m’amuse. Et de garder la joie. De garder le bonheur de faire.

Cyril. – Ben écoute, tu reviens quand tu veux ! On se retrouve avec plaisir dans le podcast et d’ici là…

Alice. – Merci beaucoup à toi.

Cyril. – Ben merci beaucoup à toi !

Alice. – J’ai pas l’impression… Bon, ma trajectoire a changé. J’ai pas l’impression, forcément, que j’ai dit autant de choses qui pouvaient intéresser au début les gens…

Cyril. – Oui, je pense que ça intéresse un peu moins les néophytes. Néanmoins, il y a quand même tout un ensemble de possibilités aujourd’hui, avec l’édition hybride, auteur-entrepreneur, etc. et tu fais partie de ceux qui touchent un petit peu… Tu es une grande expérimentatrice et tu es un peu touche-à-tout, donc…

Alice. – Oui ! Si ça peut apporter quelque chose, c’est en tout cas peut-être libérer le potentiel que chacun peut avoir de se dire : je peux faire autre chose et je peux essayer ça… Et de pas avoir peur. Voilà. Essayer. En se disant que… Effectivement, moi, pour mon cas, c’est parce que j’ai rien à perdre, mais je pense qu’on en est tous un peu là. On n’a pas grand-chose à perdre. C’est pas très grave. Quand on voit ce qui se passe dans le monde en ce moment, il y a des choses quand même beaucoup plus graves que d’expérimenter une nouvelle façon de s’éditer, tu vois ? Voilà. Donc… Voilà, si je peux apporter au moins… Libérer quelques personnes qui hésitaient à se dire : est-ce que j’essaye ça ou est-ce que j’essaye ça ? Allez-y, sans complexes ! Essayez ! Et puis, rien n’est jamais définitif.

Cyril. – Ce que vous risquez de pire, c’est que ça marche !

Alice. – Oui, voilà : ce qu’on risque de pire, c’est que ça marche. Et puis aussi, on peut toujours changer. Rien n’est définitif.

Cyril. – Oui, rien n’est définitif !

Alice. – Si on regrette, on s’arrête. On coupe. On arrête les contrats. On dit : je fais autre chose, j’essaye autre chose. Voilà.

Cyril. – Oui, on n’est plus du tout dans un système où on est engagé pendant des années et des siècles avec le même éditeur, ou des choses comme ça.

Alice. – Soixante-dix ans après sa mort !

Cyril. – Oui, oui…

Alice. – Alors, voilà : maintenant, on réduit les temps de…

Cyril. – Oui, il faut réduire les temps de contrat. Bon ! Et puis, si on a besoin de conseils professionnels, on peut toujours t’envoyer un petit e-mail !

Alice. – Oui, exactement. Non, mais c’est vrai, je les donne volontiers. J’ai beaucoup de gens qui me contactent par message privé sur Facebook et je réponds toujours. Toujours, toujours ! Et toujours en essayant d’être le plus précise possible par rapport au cas de ce que la personne demande.

Cyril. – Merci encore une fois.

Alice. – Merci à toi, Cyril.

Cyril. – À bientôt !

Alice. – Salut !