Podcast Episode 36 – Cédric Charles Antoine

Après quelques tentatives avortées, j’ai enfin réussi à saisir Cédric Charles Antoine, auteur d’un certain nombre de romans publiés exclusivement sur Amazon. Beaucoup de romans en fait.

10371638_453319871517859_7807578477633298559_n

Aventurier romantique et sauvage, Cédric Charles a publié son premier roman sur Amazon en novembre 2014, et s’est rapidement fait une place parmi les auteurs autoédités qui ont le plus de succès en publiant régulièrement des romans dans des genres spécifiques, et en fournissant à ses lecteurs un résultat professionnel que l’on a du mal à comparer à l’image d’Epinal de l’auteur autoédité. C’est donc avec grand plaisir que je suis invité à lui poser quelques questions.

Le réveil du silence, disponible le 15 juin sur Kindle Le réveil du silence, disponible le 15 juin sur Kindle

[EDIT] C’est le moment où je m’excuse de vous avoir promis la douce voix suave de Cédric Charles (je vous rappelle qu’il est marié, mesdames et messieurs), car en fait de “podcast” il n’y a que l’entretien écrit. Mais nous avons repris un format vraiment proche du podcast.[/EDIT]

Cyril : Bonjour Cédric Charles, et merci de répondre à ces quelques questions. J’ai déjà fait une petite présentation de toi en préambule, mais il y a peut être des aspects sous lesquels toi tu préfères te présenter. Donc je te laisse la plume.

Cédric Charles Antoine : Bonjour Cyril, je te remercie pour ton invitation. Je vais répondre à cette interview avec le plus de sincérité possible, sans tomber dans le consensuel… J’ai la quarantaine, marié, deux enfants, et je vis au bord de la mer sur la côte sauvage, entre La Baule et la frontière du Morbihan, un endroit hors du temps, loin des contraintes de la société urbaine. Auparavant, je vivais au cœur de l’Anjou, en pleine campagne dans une vieille demeure, en lien avec mon ancien métier d’associé au sein d’un cabinet spécialisé dans l’expertise et la vente de demeures historiques sur le grand ouest. Ma vie a toujours été partagée entre la campagne et la mer, une façon de fuir le monde moderne, bien que j’en utilise ses avantages ! C’est une question d’équilibre, jouir du progrès sans en subir les inconvénients… L’histoire a voulu que je devienne écrivain indépendant, un costume parfaitement taillé pour une personnalité un peu trop rebelle pour le système actuel.

Cyril : On ne va pas aller par quatre chemins. Une des raisons pour lesquelles cela me fait plaisir que tu m’accordes cette interview, c’est ta régularité dans les publications et l’approche exigeante que tu as de ton activité d’autoédité. Est-ce quelque chose que tu avais déjà en tête avant de publier ton premier roman en 2014 ou est-ce l’accueil réservé à ce roman qui a transformé ton approche ?

Cédric Charles Antoine : Ni l’un, ni l’autre. Le hasard ou le destin a voulu que je ferme mon cabinet en juin 2014. Nous avons changé de vie et déménagé sur la côte. Pour la première fois, je n’avais pas de projet d’entreprise. Un soir, au cours de l’été, l’idée m’est venue d’écrire des romans. Je me suis lancé sans aucune expérience et j’ai écrit mon premier roman. Très vite, j’ai décelé l’intérêt de publier de façon indépendante, car j’estimais qu’un premier livre ne serait jamais édité par une maison sérieuse. Amazon KDP s’est alors imposé comme une évidence… Dès le départ, je me suis inscrit dans une stratégie solitaire, sans vouloir à terme subir la pression ou le diktat d’un éditeur. En tant que chef d’entreprise, j’ai essayé d’avoir une vision globale du projet en créant ma collection : Lordkarsen. Mon objectif était clairement de publier un livre par trimestre sous ce label. C’est ce que je fais depuis 18 mois. En juin sortira mon septième roman.

Cyril : Tu as une approche professionnelle de l’activité d’auteur, approche nourrie de ton expérience d’entrepreneur indépendant. Peux-tu partager les points saillants de cette approche avec les personnes qui elles aussi «espèrent» gagner leur vie en écrivant ?

Cédric Charles Antoine : Il n’y a et il n’y aura jamais de recette miracle. Je ne suis pas un vendeur de rêve. Rien ne peut être dupliqué. L’humain est au centre de chaque décision, de chaque modèle, de chaque méthode, c’est ce qui en fait un être unique comme sa propre entreprise. Vouloir copier ou s’inspirer n’a aucun sens logique. Bien sûr, il y a des bases fondamentales communes, mais je ne vais pas les réciter ou évoquer des évidences. Non, la singularité doit nous guider. Rester original, tenter d’être unique dans sa proposition. Il faut se démarquer des autres, calibrer sa marque, son style, son identité. Dans ce cadre-là, j’ai orienté ma stratégie sur un unique diffuseur, créé une reconnaissance visuelle, une signature avec pour ambition d’alimenter ma collection chaque trimestre d’un nouveau roman afin de fidéliser mon lectorat. Je fais en sorte de traiter des sujets inédits, parfois clivants, dans des genres variés : polar (Torsken), science-fiction (L’Exil primitif), thriller (Les Hurlements de la mémoire), roman historique (La Couleur du testament)… Je m’impose une règle : surprendre le lecteur, ne pas tomber dans un mécanisme routinier et confortable. Je dois prendre du plaisir, je suis mon premier lecteur !

Cyril : Je rappelle à ceux qui n’ont pas lu les autres interviews, dont celle faite par Frédéric Clementz, que tu te consacres 6 jours sur 7 et 8 heures par jour à ce travail. Est-ce qu’aujourd’hui ton activité d’auteur contribue pour une part importante à tes revenus, ou es-tu en train de dilapider le trésor que tu as trouvé dans ton jardin ? Ou as-tu changé ton train de vie pour parvenir à un équilibre ?

Cédric Charles Antoine : Il est clair que j’ai totalement modifié mon train de vie. Mon plaisir est ailleurs. L’argent n’est pas un moteur pour écrire, heureusement, mais il faut bien faire vivre sa famille. Entre avril 2015 et mai 2016, la collection a vendu plus de 25 000 exemplaires (numériques et brochés). Les revenus sont en progression et me permettent d’en vivre correctement. Cette extraordinaire aventure littéraire m’a fait prendre conscience que mes envies étaient ailleurs. Plus question de diriger une boîte avec du personnel, des associés, des fournisseurs, des locaux, des charges écrasantes.

Non, je préfère être un écrivain libre sans ambition financière, mais être heureux au milieu de mes créations. Je vis plus sereinement aujourd’hui et ma famille s’en réjouit ! Réaliser les choses avec passion loin de toute considération matérielle, c’est ça le métier d’auteur indépendant. On est son propre acteur dans l’un de ses scénarios, le destin décidera de mon avenir. Terminé les perspectives à long terme, les obligations, la pression, le besoin d’accumuler. Non, écrire c’est vivre au jour le jour dans un univers parallèle, presque coupé du monde.

Un cliché ? Pas si sûr ! L’équilibre est là, dans la capacité d’abandonner les règles codifiées. L’écrivain est un rebelle, un égoïste parfois, un solitaire souvent. Il résout ses petits maux intérieurs au travers de ses récits… L’argent ne doit en aucun cas être un but !

Cyril :As-tu une méthode particulière pour écrire ? Des habitudes personnelles que tu peux partager ? Déjà écris-tu comme un pantser (avec une idée au début, puis au fil de la plume), ou un plotter (qui va concevoir son roman et en dresser un plan avant de commencer à l’écrire) ?

Cédric Charles Antoine : Je prépare tout en amont : couverture, titre, quatrième de couverture, chute, scénario complet, synthèses par chapitre, fiches personnages, documentations historiques, fiches de lectures, sources d’informations… Au milieu du livre, j’invente des bascules imprévues, je fais mourir certains personnages pour me surprendre moi-même… En résumé : 70 % planifiés, 30 % improvisés.

Cyril : Souffres-tu de la peur de la page blanche ? Est-ce un truc qui existe ?

Cédric Charles Antoine : Par chance, je ne connais pas. Les journées d’écriture ne se ressemblent pas. Plus ou moins d’inspiration, mais la page blanche, non.

Cyril : Comment fais tu pour les relectures ? Fais-tu des réécritures ?

Ma femme pilote le comité de lecture composé de huit personnes extérieures à la collection. Ensuite, le manuscrit est corrigé en interne par nous deux, et enfin il est envoyé à une entreprise spécialisée dans la correction de romans. De nouveau, une relecture finale, puis la transformation du document dans les différents formats. Au total, le processus inclut onze relecteurs, dont un professionnel.

Cyril : Lorsque tu changes de chapeau et que tu deviens éditeur, travailles-tu seul ou fais-tu appel aux compétences d’autres personnes plus douées que toi (non, désolé, je sais que tu es doué en tout) ?

Cédric Charles Antoine : Hormis la correction, tout est géré en interne : infographies, formats de publication, réseaux sociaux, communication, Web, dossiers de presse… Une vraie petite maison d’édition. C’est tout l’intérêt d’être auteur entrepreneur. Je précise que ma femme joue un rôle très important dans notre entreprise. Sans elle, je ne pourrais pas écrire quatre livres par an. C’est une affaire de famille, comme à l’ancienne… Nos enfants sont très fiers de nous voir travailler ensemble dans le même bureau.

Cyril : Tu as publié récemment les couvertures de deux romans à venir. J’ai remarqué un changement de style. Est-ce le renouveau ? D’ailleurs le nom de l’auteur sur ces couvertures est plus petit… Depuis La couleur du testament d’ailleurs.

Cédric Charles Antoine : La collection fonctionne sur deux axes : quatre romans par an et une thématique annuelle sous une dénomination visuelle : 2015 avec la mention « Thriller », 2016 avec la mention « Roman ».

Cette année est consacrée aux romans historiques à suspense, plus littéraires, plus longs. 2017 est en cours de réflexion. Mon nom d’auteur est inscrit en plus petit sur les couvertures par rapport à la première saison (thriller). Je pense que le sujet graphique et le titre sont plus impactant au niveau marketing. Les lecteurs achètent d’abord une promesse d’histoire et pas un nom, en tout cas, pas à mon niveau de notoriété… On verra plus tard pour le narcissisme !

Cyril : Quand nous nous sommes rencontrés pour la première fois pendant Livre Paris, tu as découvert que tu étais n°1 des ventes (J’attends toujours mon verre de champagne d’ailleurs). Musso a eu ta peau, mais tu es encore dans le top 10 des ventes aujourd’hui. Tes précédents romans avaient eux aussi eu des beaux parcours. Est-ce que le succès est la rançon du succès ?

Cédric Charles Antoine : Tout est lié sur Amazon. Si vous avez gagné une fois, vous pouvez plus facilement retrouver les chemins des Tops 100, 20, 10… En publiant régulièrement, les lecteurs se souviennent de vous et sont plus enclins, s’ils ont apprécié vos précédents livres, à commander… Les robots informatiques font le reste par des suggestions automatisées. Si les ratios de retour sont bons, vous grimpez… Vous proposez, les machines suggèrent et le marché décide ! (mais c’est un autre sujet)

Cyril : On est complètement dans le marketing maintenant et dans les efforts de promotion qui appuient les autres éléments (tu as fais une école de commerce, je vais pas t’embêter avec le mix marketing). Tu as plusieurs fois dit que les journées de promotion gratuite avaient été un des meilleurs outils que tu aies utilisé au début. Peux-tu élaborer ?

Cédric Charles Antoine : Non, je ne suis pas aussi catégorique concernant l’utilisation des promotions gratuites. Je l’ai pratiquée une seule fois durant deux jours pour le lancement de mon premier roman. Je n’ai jamais renouvelé l’opération par la suite. Le risque est de décrédibiliser votre travail et d’attirer un public hors cible. Résultat : des mauvais commentaires…

Cyril : Tu persistes en ce joli mois de mai, après cette offre éclair de mars qui a permis à La couleur du testament d’atteindre la plus haute marche du podium. Deux de tes livres sont en promo du mois. J’ai écrit un article sur les promos, mais c’est toujours mieux quand c’est un auteur de romans qui le dit : les promos, ça marche ? Cela a-t-il un effet sur tes autres livres ?

Cédric Charles Antoine : Non, mon roman « La Couleur du testament » n’a pas bénéficié d’offre éclair en mars. Il est monté tout seul, sans promo. Son offre éclair a eu lieu 60 jours après, au début du mois de mai…

Au sujet du mécanisme des offres, oui, ça marche très bien. Cela permet de confirmer un titre en haut du classement ou de faire revivre un livre un peu à la traîne. C’est une méthode efficace pour rebattre les cartes dans la grande lessiveuse d’Amazon. Un grand nombre d’auteurs en bénéficie, ils ne s’en plaignent pas. L’outil est excellent, bien plus que les promotions gratuites et les précommandes.

Cyril : Quels sont les moyens que tu utilises pour rester en contact avec tes lecteurs ? Ton blog Wordpress est hébergé chez Worpress ou tu as un hébergement à toi ? As-tu une mailing-list ?

Cédric Charles Antoine : J’utilise essentiellement Facebook et Twitter. J’ai également une page Google +. Mon site est une vitrine passive, juste pour la forme. J’ai une mailing-list que j’enrichis au fur et à mesure de mes publications grâce aux retours mails des lecteurs. Je cumule sur les trois réseaux sociaux (FB, TW, G) environ 3000 abonnés ou « amis » en comptant ma page pro FB, mais tout cela, en définitive, ne sert pas à vendre des livres.

C’est Amazon qui mène la danse à 99 %.

Tous ceux qui ont tenté d’influer sur le volume des ventes par les réseaux n’ont obtenu que des miettes sur le plan des résultats, moi le premier. Je mets au défi un auteur indépendant de m’apporter la preuve qu’une action sur ces supports peut rapporter des centaines de ventes chaque mois.

Non, juste quelques dizaines provenant en général d’un noyau dur de fidèles qui vous suivent et vous achètent régulièrement. FB est un très bon outil de mise en relation et de partage. Sa vocation est vraiment sociale, très loin d’être commerciale pour un auteur. C’est mon avis ! Pour se rassurer, on agit par des actions, des promos, des jeux dans les groupes, des offres alléchantes, mais le résultat n’est pas à la hauteur de l’investissement en temps. Mieux vaut écrire et publier que passer ses journées à attendre que les autres vous achètent et vous lisent.

Cyril : Tu as aussi un site sur Iggybook ? Est-ce utile, en tires-tu parti ?

Cédric Charles Antoine : J’ai une version allégée. Je ne m’en occupe pas. On ne peut pas être partout et nulle part !

Cyril : Quelle proportion de ton temps concentres-tu au marketing ? Est-ce quelque chose que tu fais facilement, et as-tu un retour sur investissement temps ?

Cédric Charles Antoine : Après de nombreuses expériences, la seule vraie stratégie marketing qui tienne la route est de publier régulièrement des livres en exclusivité sur Amazon et de gérer les offres proposées par ce diffuseur. Le reste ne sert pas à grand-chose à part se rassurer ou se donner bonne conscience. J’adore et je maîtrise le marketing, mais la perte de temps, je déteste. Il faut essayer pour comprendre, surtout au début. Après, il faut élaguer, se recentrer sur l’essentiel sans se polluer l’esprit en quête d’une solution miracle.

Lire, écrire, publier… Lire, écrire, publier… Lire, écrire, publier…

Le reste, il faut y consacrer 10 % de son temps, pas plus.

Cyril : Tu es un auteur exclusivement Kindle Select. Une démarche que je combats, mais que je comprends tout à fait par ailleurs. Sans cela, tu n’aurais pas les promotions dont tu profites en ce moment probablement. Il y a un autre aspect, c’est la rémunération par Kindle Unlimited. Est-ce que celle-ci représente une part importante de tes royalties totales ? (Cette question est dans le contexte plus global de la pénétration de l’abonnement Kindle. tu peux la reformuler si tu désires, je sais que l’aspect financier peut mettre à l’aise).

Cédric Charles Antoine : C’est plus parlant avec un exemple concret :

Avril : 3000 Kindle – 300 000 pages lues (KU) soit 1000 livres en valeur KNPC. Total : 4000 exemplaires, dont 1/4 de KU.

Cyril : Booklaunch ?

Cédric Charles Antoine : C’est joli !

Cyril : Qu’est-il arrivé à ton groupe FB “Romans à suspense” ? Je ne le trouve pas sur FB, pourtant j’aurais bien été publier comme un voleur sur mon dernier livre qui n’a rien à voir avec le suspense.

Cédric Charles Antoine : Je n’ai plus le temps de le gérer convenablement, donc j’ai élagué… On sent la fin de l’interview. Mes phrases sont plus courtes.

Cyril : Merci pour le temps que tu as passé à répondre à mes questions et pour avoir partagé ta (maigre, je te sais modeste) expérience. A bientôt pour la sortie de juin ! As-tu déjà une date de sortie et une précommande ?

Cédric Charles Antoine : Je suis au début de mon parcours, l’expérience débute à peine. J’ai des doutes, des incompréhensions. Les erreurs sont nombreuses, mais le désir est plus fort que tout. J’aime beaucoup écrire, je le fais avec sincérité et passion. Tant qu’il y a de l’amour, il y a de l’action, c’est le propre de la création…

Un grand merci pour cette tribune, cher Cyril. À très bientôt.

Comme je l’ai déjà écrit : « Je suis un auteur Kindle et je le revendique ! »

Salut les amis.

LE RÉVEIL DU SILENCE – publication vers le 15 juin 2016. (pas de précommande)

Vous pouvez retrouver Cédric Charles su son site ou en vidéo sur :

https://cedric-charles-antoine.com

http://www.idboox.com/interviews/autoedition-il-na-pas-gagne-le-prix-amazon-mais-il-cause/