Devoirs de vacances : Podcast épisode 18
Le podcast pour publier sur Kindle iBooks et Kobo
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis… Quand Jean-Philippe Touzeau a accepté cet entretien prévu de longue date mais que j’avais repoussé, par timidité, je suis revenu sur ma décision de faire une longue sieste estivale.
Jean-Philippe fait partie des auteurs, encore rares, qui vivent de leur activité d’écrivain seulement. Il écrit par plaisir et parce que l’écriture de fiction est un moyen de concrétiser son expérience, mais aussi pour en vivre. Il a donc une approche qui est sainement commerciale. Il a réussi à faire tomber un certain nombre de préjugés qui le retenaient, et aide les lecteurs de son blog comme les autres auteurs à aller plus loin, mieux.
Témoin son plaisir à partager son expérience, comme par exemple cette grosse série de vidéos qu’il a faites en 2014.
Le Tome 6 de La Femme sans Peur en promo au Kremlin…
Ensemble , nous revenons sur les origines de son activité actuelle, sur l’usage de la série, et on y mêle un peu d’actu avec le changement de Kindle Unlimited. Encore un entretien “assez long”, mais je me suis retenu, je vous jure. Et lui aussi “il a fait court” ;-)
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Vous pouvez retrouver la transcription du podcast, juste après la coupure :
Cyril. – Je reçois aujourd’hui Jean-Philippe Touzeau, qui est blogueur, auteur, autoéditeur indépendant puisque c’est comme ça qu’il faut dire maintenant, et star du petit monde de l’autoédition ! Bonjour Jean-Philippe.
Jean-Philippe. – Bonjour, Cyril ! Merci de me recevoir et merci pour le mot « star ». Je ne pense pas que je sois une star ; je suis juste un… Franchement ! Un auteur comme un autre, indépendant, et qui essaye de gagner sa vie d’une façon… En alliant l’écriture etc. Mais star, franchement, je ne crois pas.
Cyril. – J’exagérais un petit peu en disant star, mais tu restes quand même un auteur modèle, dans le sens où tu t’es engagé dans une voie et tu traces cette voie. Donc pour un grand nombre de personnes qui sont tentés par l’autoédition, qui entendent parler pour la première fois de l’autoédition, tu es un modèle. Qu’ils peuvent avoir envie de suivre ou pas, mais tu es un modèle. Est-ce que tu peux, justement, essayer de brièvement raconter le modèle que tu as développé au fur et à mesure des années ? En commençant par ton blog, que tu as créé en 2009.
Jean-Philippe. – Oui. Alors, on va remonter à 2009. Ça va faire pratiquement six ans qu’il existe. C’était juste pour mon anniversaire, là, qui approche, dans quelques jours. Ce n’est pas un appel du pied ! C’est juste le hasard du calendrier, au moment où on enregistre ça ! J’avais créé ce blog… Alors, il faut que je remonte un tout petit peu plus pour que chacun comprenne bien. Si vous lisez mon blog, vous connaissez mon histoire. J’ai vécu aux États-Unis pendant dix ans. Avant, j’habitais en Amérique du Sud, et encore avant, j’étais en France. Donc lorsque j’étais en France, j’avais une mentalité, je vais dire, et ce n’est pas péjoratif, attention ! J’avais la mentalité française. Alors, qu’est-ce que je veux dire par là ? Je vais peut-être me faire des ennemis. C’est beaucoup de discussion, beaucoup de râlage (râlage, ce n’est pas un mot français, mais tout le monde me comprendra) etc. Et puis on n’essaye pas trop. On se plaint, on ne tente pas de nouvelles choses. Enfin, je généralise, il ne faut pas que tout le monde le prenne pour argent comptant. Je suis français et très fier d’être français, mais enfin j’étais plutôt sur le côté négatif.
Donc j’ai voyagé, j’ai vécu dix ans aux États-Unis, et je ne veux pas dire que les États-Unis m’ont rendu complètement différent, mais, comme on dit : les voyages, ça ouvre l’esprit. Et je me suis ouvert sur pas mal de choses, et entre autres le développement personnel, qui permet de mieux comprendre comment on fonctionne, de voir la vie d’une façon différente. Sans rentrer dans le côté secte, bien sûr. Maintenant, tout le monde connaît ça. Après avoir vécu aux États-Unis, je suis parti vivre au Japon, et c’est là-bas que je me suis dit : j’ai envie de partager ce que j’ai appris et ce que j’ai lu (je lisais beaucoup de livres sur le développement personnel) avec les Français. À l’époque, vers la fin des années 2000, en 2009, ce n’était pas très développé encore. J’ai sauté sur le wagon et j’ai eu un peu de chance, parce que je suis peut-être arrivé au bon moment. Donc le blog a commencé à se développer. J’ai donc fait du blog et à ce moment-là, je me suis dit : comment je vais pouvoir gagner ma vie avec ce blog ? Il commençait à y avoir des formations, les toutes premières formations de blogueur sont arrivées vers 2010 en France. Les vraies, celles où il fallait… Enfin, sauf avec ton père. Peut-être que ton père avait déjà des formations de blogueur, je ne sais pas.
Cyril. – Non, pas vraiment.
Jean-Philippe. – D’accord. Donc je me souviens, les premières, c’étaient des amis blogueurs. À l’époque, on était tous dans la même galère et ils ont commencé à gagner de l’argent, à vivre de leur blog, etc. Moi, je me suis dit : mais qu’est-ce que je vais faire ? Donc j’ai commencé par écrire des e-books en PDF. Je n’ai rien inventé, ça venait des États-Unis. Tu connais aussi, tu es branché.
Cyril. – Oui, bien sûr.
Jean-Philippe. – C’était la formule pour gagner de l’argent. Maintenant, j’ai sorti des bouquins en PDF qui marchaient correctement et que je vendais uniquement par rapport à mon blog et tous ceux qui me suivaient sur mon blog.
Cyril. – Déjà, ça te permettait de rentabiliser ton blog et tu pouvais presque en vivre.
Jean-Philippe. – Presque, oui. Mais pas complètement.
Cyril. – Pas bien.
Jean-Philippe. – Pas bien. Non, même pas ! Je travaillais encore à l’époque. On était donc au Japon et je donnais des cours d’anglais, encore, pour les enfants japonais ! C’était très intéressant, aussi ! Je vais essayer de faire très court à partir de ça, mais en même temps, je gardais toujours un œil sur les États-Unis, parce que pour moi c’est de là que venait la nouveauté, et un jour, en 2007… Alors, c’était avant, j’étais déjà au courant : en 2007, le Kindle est apparu aux États-Unis, et donc j’ai suivi ça. Et tout naturellement, je me suis dit : puisque j’ai mes bouquins en PDF, pourquoi ne pas les formater et les mettre sur Kindle, tout simplement ? Mais ça m’a pris un peu de temps et j’y suis arrivé en 2011. Début 2011. J’ai commencé par les États-Unis. Et ensuite, en France, je crois que c’était en octobre 2011. Lorsque Kindle est arrivé en France, là, tout de suite, j’ai commencé à uploader et à partager mes écrits PDF.
Cyril. – À l’origine, c’étaient des livres plutôt pratiques, de développement personnel, mais pas du tout de la fiction.
Jean-Philippe. –Pas du tout ! C’est pour ça que maintenant je rajoute un point important : c’est qu’au même moment… Alors, c’est marrant, les synchronicités ! Au même moment, sur mon blog, en-dehors des articles purs de développement personnel, j’ai essayé d’écrire de petites histoires, pour expliquer un truc sur le développement personnel, mais en le mettant sous forme d’histoire pour que ce soit plus sympa.
Cyril. – Et un peu plus efficace, aussi. Parce que le storytelling, c’est quelque chose qui permet de faire pénétrer les idées de manière plus profonde dans l’esprit.
Jean-Philippe. – Exactement. Storytelling. Il n’y a pas de secret. Et puis, j’ai été étonné par le nombre de commentaires que je recevais. Les gens appréciaient. Donc j’ai commencé à écrire un peu plus dans la fiction que dans le développement personnel. Et de moins en moins dans le développement personnel. Mais ça, je crois que je ne me guérirai jamais, il y aura toujours un peu de dév’ perso dans ce que j’écris. Jusqu’au jour où j’ai franchi le pas et je me suis dit : je vais sortir aussi des fictions. J’ai commencé par des nouvelles, avant d’arriver, bien sûr, ensuite, à La Femme sans peur. Là, je te fais un gros raccourci, sinon je vais parler pendant une heure !
Cyril. – Évidemment ! Il faut raconter six ans en tout, et presque trois ans depuis que tu as publié le premier tome de La Femme sans peur, et c’est difficile de tout résumer en quelques minutes. Tu l’as publié en décembre 2012, c’est ça ?
Jean-Philippe. – Alors là, tu vas m’aider, parce que la mémoire… C’est décembre 2012, oui, le tout premier. Alors, ce qu’il faut savoir, c’est que c’était déjà publié sur mon blog. C’est-à-dire que La Femme sans peur a commencé tout bêtement par un article de blog, qu’on peut retrouver sur mon blog, et cet article a constitué (et constitue toujours, peut-être avec quelques petites modifications) le chapitre 1. Ensuite, j’ai publié le chapitre 2, le chapitre 3. Toujours sur mon blog. Sans penser vraiment à un long bouquin. Enfin, long… Pour moi. Et c’est ensuite, vu l’engouement qu’il y avait eu au niveau des commentaires, j’ai dit : oui ! On va y aller. Je fais court parce que… Je sortais des nouvelles à l’époque. Les nouvelles rentraient dans le top 100. Ça n’a rien à voir au niveau des ventes ; à l’époque, c’était assez facile, quand même, il n’y avait pas trop de monde. Toutes mes nouvelles entraient dans le top 100 et en ressortaient, mais bon ça ne faisait pas… Je commençais à rentrer de l’argent, mais…
Cyril. – Oui, ce n’était pas terrible non plus.
Jean-Philippe. – On ne pouvait pas en vivre. Donc j’étais à cheval sur le blog et… Sur les ventes Kindle et les ventes PDF. Je vais peut-être m’arrêter là ?
Cyril. – Alors, après, tu as publié le premier tome de La Femme sans peur. Quand tu l’as publié, tu pensais déjà que tu allais le sérialiser et en faire comme ça six (puisqu’aujourd’hui tu en es à six) ou tu t’es dit : « Elle va aller un petit peu plus loin, mais pas beaucoup plus loin ». Trinity. Tu avais déjà imaginé, au moment où tu l’as sorti, comme ça, une épopée pour Trinity aussi longue que celle qu’elle a aujourd’hui ?
Jean-Philippe. – Oui. Bien sûr. Je suis très honnête : c’est dix volumes qui sont prévus. Je connais à peu près la fin, pratiquement depuis le début. Elle a un peu changé, parce que ça évolue. Au niveau de la créativité, on change un peu, etc. Mais oui, c’est dix volumes. Et pour une raison bien précise, et cette raison, je ne vais pas te la dire, Cyril ! Désolé !
Cyril. – Non, mais il n’y a pas de souci. Parce que j’imagine qu’elle est importante dans l’intrigue et dans l’histoire. Donc à ce moment-là, tu le savais déjà. Alors, ça a très bien marché, puisque tu as été très longtemps avec le numéro un dans le top 100. Tu dois y être encore…
Jean-Philippe. – En fait non, ça n’a pas marché au début. Il faut bien expliquer, parce que ça va aider tous ceux et toutes celles qui se lancent et qui sont déçus, « Ça ne marche pas ! », etc. Il faut quand même se remettre dans l’esprit. J’avais donc sorti des nouvelles, et à part mes lecteurs sur… Tous mes fidèles, qui suivaient ma newsletter sur Révolution personnelle, mon blog, ça ne se vendait pas vraiment. J’en ai sorti je ne sais pas combien ; je dois en avoir une dizaine ou une douzaine en tout. Trinity, donc La Femme sans peur, le volume 1, ça devait être le dixième ou le douzième ou je ne sais plus, ou le huitième ou le neuvième, mais enfin j’avais quand même pas mal sorti. On a toujours l’espoir ! On se dit : « Ça y est, c’est la bonne ! » et à part, encore une fois, tous mes fidèles… Elle était montée un petit peu plus, dans le top 50 ou plus. Je dois avoir les archives quelque part sur… Il faut que je retrouve ça. Mais ça n’a pas marché, c’est retombé. Et j’étais déçu. Très déçu. Alors, c’est normal. Pour tout le monde. Ceux qui ne sont pas encore au courant : quand ça ne marche pas, on est déçu, et c’est normal d’être déçu ! C’est humain. On a mis de l’énergie, on a travaillé dessus, on a investi de l’argent (j’avais investi) mais il faut savoir que ce n’est pas parce que ça n’a pas marché là que ça ne va pas marcher après. D’où l’intérêt de la série. Et c’est pour ça que je me bats toujours pour les séries. Une série, ça ne décolle pas toujours au premier tome. Et c’est pour ça que j’ai continué. Et j’ai sorti le volume 2 six mois après, donc en juin. En juin 2013. Et c’est lorsque le 2 est sorti que ça a commencé à grimper dans les classements assez rapidement et c’est… Au mois d’août 2013, le 1 et le 2 se sont retrouvés numéro 1 et numéro 2 du top 100 pendant tout le mois d’août. Pendant dix semaines à peu près. Donc c’est là que ça a cartonné. Que ça a commencé vraiment à décoller. Mais pas avec le numéro 1. Pas du tout.
Cyril. – D’accord. Ce n’est pas ce que je voulais dire, en fait.
Jean-Philippe. – Ah, pardon !
Cyril. – Non, mais ce n’est pas grave ! Je voulais dire que dans l’ensemble, la série est quand même une série qui fonctionne très bien. Même si ça a pris du temps. Et justement, c’est ce que tu racontes. Ça t’a pris pas mal de temps pour arriver à avoir des gens qui s’intéressaient vraiment à l’histoire de Trinity.
Jean-Philippe. – Oui. Alors, c’est… Je ne sais pas si tu veux que je développe sur ça, la question du temps ?
Cyril. – Alors, ce n’est pas trop la question du temps ; c’est surtout l’usage de la série dans l’autoédition. Est-ce que c’est… Je sais qu’il y a des gens qui sont contre la série. Je ne sais pas pourquoi. Mais moi je suis plutôt pour, parce que c’est justement, je pense, un des très bons moyens pour quelqu’un de constituer un lectorat et de faire des choses qui sont plus intéressantes indépendamment les unes des autres. Et un corpus final qui est aussi plus intéressant. Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
Jean-Philippe. – Ben, moi, je n’ai pas de… Moi, je fais mon truc, et bien sûr, je respecte tous ceux qui aiment écrire des pavés de cinq cents pages ou de six cents pages, y passer… Je l’ai déjà dit très souvent, très honnêtement, passer un an et demi à écrire, sortir un produit… Moi, j’ai beaucoup de respect, parce que je ne pourrais pas le faire. Je n’ai pas la volonté ou l’énergie, tout ce que tu veux… Je sais que je ne peux pas. Passer un an et demi, sortir le livre, et attendre le résultat. Et si ça ne marche pas, je pense que le moral en prend un coup. C’est difficile de se remettre, de remettre la machine en marche et de repartir sur au moins un an d’écriture, etc. parce qu’on a tout donné. Et j’ai beaucoup de respect. Je le dit, je l’ai même dit à… Comment il s’appelle ? Jacques Vandroux. Et Jacqueline. Je leur ai dit : mais chapeau ! Parce que…
Cyril. – Ah oui, Jacques, il fait des pavés de cinq cents pages.
Jean-Philippe. – Voilà. Et ça marche ! Donc tant mieux ! Maintenant, il a un nom. Il a son following, les gens qui le suivent, et il peut continuer. Mais je pense, à mon avis, que c’est beaucoup plus difficile que de commencer avec des séries, et si on fait… Alors, le conseil que je donnerais, si je peux me permettre, c’est… Il faut savoir ; Jacques ne le cache pas, il a un emploi à côté. Il ne vit pas de ses livres. Bon, maintenant, peut-être qu’il pourrait se permettre !
Cyril. – Oui, il pourrait peut-être se le permettre.
Jean-Philippe. – Oh oui ! Connaissant les ventes qu’il fait, il pourrait se permettre. Mais c’est chacun son choix. Donc si on veut écrire un gros pavé et sortir un grand livre, il ne faut pas compter vivre dessus obligatoirement. C’est très risqué. Par contre, avec des séries, moi, je trouve que c’est mieux. Alors, maintenant, je vais développer pourquoi. Parce que les séries, d’abord, il y a moins de travail sur chaque… Dans le temps. On sort un premier livre, on teste : ça marche ou ça ne marche pas. Moi, je m’étais dit : je vais sortir trois volumes. C’est mon but ; je sors trois volumes de La Femme sans peur. Si au bout du troisième volume, ça ne fonctionne pas, j’arrête. Je ne vais pas perdre… Je ne vais pas continuer non plus. Il ne faut pas… Même si l’histoire est plaisante, j’aurais pu la continuer. Mais s’il n’y a pas de lecteurs, c’est… Comment on dirait en français ? Se tirer une balle dans le pied, non ? C’est se faire du mal. Parce que c’est continuer à écrire pour personne. Bon, c’est vrai que la série peut trouver des lecteurs plus tard. Mais au moins trois… À trois, on est sûr, pratiquement, d’avoir une idée. Donc il se trouve que ça a marché après le 2. Tant mieux. Si ça n’avait pas marché après le 3, je n’aurais pas continué. Si ça avait marché un peu plus tard, en relançant les trois, là, j’aurais continué. Voilà. Donc on dépense moins d’énergie, moins de temps. Mais moi j’ai toujours l’optique de vivre de ces écrits, on est bien d’accord : ce n’est pas du dilettante ou juste pour le plaisir. Ce qui est tout à fait respectable aussi.
Cyril. – Oui, l’un et l’autre. L’un et l’autre sont respectables. On peut avoir une carrière d’écrivain littéraire qui fait ça en plus ; on peut avoir une carrière d’écrivain commercial où l’objectif est de vivre de sa plume de manière régulière. Et l’un comme l’autre, à mon sens, sont tout à fait valables. Et admirables.
Jean-Philippe. – Oui, tout à fait ! En plus… Je voulais dire quoi, là ? J’ai oublié… Ah oui, je n’invente rien. Sur le marché américain, tu regardes : ce sont des séries, qui cartonnent. Alors, ça peut être des séries… Il y a deux types de séries. Il y a les séries avec le même héros ou la même héroïne ; les histoires sont une, une, une, je ne sais pas comment le dire… Ou alors, comme moi j’ai fait, qui est un peu plus difficile. C’est-à-dire qu’à la fin du volume 1, si tu veux, ce n’est pas la fin. Il faut que tu achètes le volume 2 pour savoir la suite. Et le volume 3. Ce qui est un gros danger aussi, parce que comme j’ai décidé d’en faire dix, je perds beaucoup de lecteurs qui sont lassés, qui en ont marre, et qui me disent : « Mais il ne finit jamais ! », « Il fait ça pour l’argent », etc. Mais j’ai fait le choix et là, je continue, parce que j’ai envie de la terminer pour mon propre plaisir. Maintenant qu’elle a eu du succès. Après, je sortirai des compilations et on la relancera d’une autre façon. On verra si ça marche ou pas.
Cyril. – D’accord. Alors, on va parler un peu plus stratégie, de la série. Dans ta série, en fait, aujourd’hui, tu as le premier tome qui est à un prix plus bas, le plus bas possible : 0,99 €. Et les autres tomes qui sont généralement à 2,99 €. Est-ce que tu peux nous expliquer la démarche ? Les avantages et les inconvénients.
Jean-Philippe. – Moi, je n’y vois que des avantages ! Je vais te les dire ! Parce que lorsqu’on écrit une série, on ne peut pas demander à un lecteur ou une lectrice de s’engager sur tous les livres. Et moi, je trouve qu’il faut leur donner quelque chose pour qu’ils goûtent. Il faut qu’ils puissent goûter. Mais il faut qu’ils aient envie, aussi, de goûter. C’est pour ça que je ne le mets pas gratuit. Il faut qu’ils aient envie, peut-être la couverture, qu’ils lisent le résumé, ils en ont entendu parler, ils regardent les commentaires… Et après, ils font… Symboliquement, ils payent 0,99 €, ce qui est franchement rien. Et en plus, ils peuvent se faire rembourser si ça ne leur plaît pas.
Cyril. – Ce n’est même pas le prix d’un café.
Jean-Philippe. – Voilà. Et donc, ça leur permet de voir s’ils aiment ou pas, et moi je le vois très bien : il y a ceux qui aiment et ceux qui n’aiment pas. Mon premier volume, au niveau des ventes, doit être maintenant… Il continue à vendre ! Il doit être à plus de 22 000 exemplaires, à peu près, maintenant, le volume 1. 21-22 ; je n’ai pas regardé récemment, mais il continue à vendre, parce que 0,99 €… Il y a beaucoup de commentaires. Bon, si tu regardes les commentaires… Moi, je ne les regarde plus, mais c’est très… Il y a de l’antagonisme. Il y a ceux qui aiment beaucoup et ceux qui n’aiment pas. Il n’y a pas de milieu.
Cyril. – Oui, mais c’est bien ! Ce sont de vrais commentaires.
Jean-Philippe. – Ah oui ! Et après ça, ça écrème, tout simplement. Il y a ceux ou celles qui veulent continuer, qui sont intéressés par les aventures de Trinity, et puis il y a ceux qui disent : « Ça ne m’intéresse pas, c’est mal écrit, ce n’est pas bien, c’est nul » etc. et ils vont voir ailleurs, tout simplement. Donc pour moi, ça n’a que des avantages de mettre le premier à 0,99 € pour donner envie ! Au moins laisser les gens, je vais dire, goûter un peu ce qu’il y a dans l’histoire. Et après, à eux, en quelque sorte (moi, je le vois comme ça) de… Pas te récompenser, mais te payer pour ton labeur en achetant les volumes suivants. Jusqu’à ce qu’ils en aient assez !
Cyril. – Oui, te faire confiance, avoir envie de continuer le chemin avec toi, etc. En même temps, d’un autre côté, c’est vrai, leur donner vraiment un premier exemplaire, un avant-goût de ce qu’est toute l’histoire de Trinity qui soit vraiment consistant aussi, parce que… Est-ce que les gens téléchargent et lisent les extraits ?
Jean-Philippe. – Bonne question, oui ! Bonne question.
Cyril. – Parce que j’ai très souvent des gens qui disent… On voit même des commentaires, parfois, de gens qui disent : « J’ai lu cinq pages et au bout de cinq pages, ça ne m’a pas plu, donc j’ai demandé un remboursement ». Si cette personne avait lu l’extrait, qui est gratuit, qui est facile à télécharger sur son Kindle, elle ne l’aurait pas acheté du tout !
Jean-Philippe. – Oui, tu as raison. Mais bon… Moi, ce que je j’essaie de faire, de mon point de vue d’auteur, c’est vraiment de les accrocher depuis le début. Dès le chapitre 1, qu’ils soient accrochés. C’est le fameux cliffhanger. Après, si je n’y arrive pas, tant pis pour moi. Ou tant pis pour eux. Moi, ça ne me dérange pas. Chacun fait sa vie et continue sur d’autres auteurs. Il y a de la place pour tout le monde. Le gâteau est large et grand.
Cyril. – Oui, c’est une économie d’abondance. On n’est pas du tout dans un phénomène de rareté. Là, en ce moment, dans ton actualité de publication, tu as plein de choses nouvelles puisqu’il y a Trinity, enfin La Femme sans peur, volume 6, qui est sorti très récemment. Et tu as Les Trois Extases.
Jean-Philippe. – Ah ! Les fameuses Trois Extases ! Alors, qu’est-ce que tu voudrais savoir, Cyril ? Je t’attends au tournant !
Cyril. – Alors, déjà, la première question sur Les Trois Extases, est-ce que tu penses refaire une même série aussi longue que La Femme sans peur, ou c’est juste, entre guillemets, une histoire que tu as décidé de couper en trois parce que…
Jean-Philippe. – Les Trois Extases, en fait, c’est exactement le même principe. Je repars sur le même principe. Normalement, il y a neuf épisodes. Et j’ai choisi une stratégie différente. Pourquoi je l’ai fait ? Alors, je l’ai fait comme ça : les épisodes sont beaucoup plus courts. J’ai voulu faire une sorte… Un peu comme les séries américaines. Il y a des tas de séries américaines que j’adore. Il y en a de très très bonnes. Je trouve même maintenant que certaines séries sont bien meilleures que les films qu’on peut voir au cinéma, donc c’est vraiment bien fait, et j’aime bien. Donc, je t’ai dit, j’ai habité aux États-Unis, j’aime bien ça, la façon dont ils travaillent, et j’ai voulu essayer de tenter ça en France. Et je veux tenter ça en France. C’est ce que je fais en ce moment.
Cyril. – Donc la même idée qu’une série qui s’étale sur des épisodes, mais aussi sur des saisons.
Jean-Philippe. – Voilà. Trois saisons de trois épisodes. En gros. Mais des livres beaucoup plus courts. À peu près une centaine de pages. Pourquoi j’ai fait une centaine de pages ? Là, tu vas pouvoir poser pas mal de questions ou me dire certaines choses ! Parce qu’Amazon, aussi… Moi, je vois toutes les stratégies possibles pour vivre et pour manger, et Amazon a sorti la fameuse stratégie du Kindle Unlimited, avec les fameux 10 % du livre lus avant de passer aux pages lues. Et moi, j’ai dit : c’est une excellente stratégie ! Je n’étais pas le seul à le penser, évidemment. Aux États-Unis, ça a été la déferlante de petits livres. Je n’ai pas voulu faire des bouquins de vingt ou trente pages…
Cyril. – Ou de cinquante pages, oui.
Jean-Philippe. – Mais je me suis dit que c’était l’occasion rêvée, puisque je l’avais déjà dans la tête depuis un moment, de tester, de voir si ça peut fonctionner de cette façon. Donc je l’ai fait comme ça. J’ai sorti épisode 1, épisode 2, et sur le coup, Amazon change sa stratégie et me dit : « C’est par page » ! Alors, là, c’est… Ah bon. Un peu déçu, parce que toute ma stratégie tombe à l’eau. Mais comme il y a toujours moyen de retomber sur ses pieds, ce n’est pas grave : je vais continuer avec l’épisode 3 et ces trois épisodes vont former un tout, qui va faire à peu près 350 pages, donc je vais m’y retrouver au niveau des pages, puisqu’Amazon maintenant veut compter les pages. Dans tout ça, je te parle de stratégie. Je ne te parle même pas de savoir si ça plaît ou si ça ne plaît pas. Ce qui est aussi important ! Ce qui est très important au niveau du lecteur ou de la lectrice. Donc toute la stratégie dont on peut parler, si ça ne plaît pas, ça ne sert à rien.
Cyril. – Alors, on est en train de parler du fait que Kindle Unlimited, jusqu’à présent, c’était une rémunération uniquement basée sur le fait qu’un lecteur ait dépassé 10 % ou pas, et maintenant, c’est à la page lue. Donc un livre comme Les Trois Extases, qui fait une centaine de pages (un peu plus, j’imagine, avec leur modèle de page complètement normé) te rapportera sur du Kindle Unlimited, et uniquement sur Kindle Unlimited, moins d’argent qu’il ne t’aurait rapporté auparavant.
Jean-Philippe. – Exactement.
Cyril. – Mais ça ne veut pas dire que cette série-là ne va pas avoir autant de succès, si ce n’est plus de succès, que La Femme sans peur. Ça ne veut pas dire non plus que pour toi c’est moins plaisant d’écrire des livres plus courts. Et ça ne veut pas dire non plus que pour les lecteurs, c’est moins agréable à lire que des livres plus consistants !
Jean-Philippe. – Tu sais que tu devrais faire du développement personnel ! C’est exactement ce que je t’aurais répondu ! Oui, voilà. Je n’ai absolument rien à rajouter. C’est exactement ça.
Cyril. – Et puis tu n’as rien à perdre, en faisant ça.
Jean-Philippe. – C’est ça ! Alors, peut-être, pour prendre un plan un peu plus large… Moi, en 2009, pour revenir au blog, je n’avais jamais… L’idée ne m’était même pas venue qu’un jour, j’écrirais des livres et que je vivrais (modestement, mais quand même) des ventes de mes livres. Je n’étais même pas à l’idée d’être auteur ou d’écrire des histoires ! Si tu veux, je veux vraiment raconter ça, parce que… S’il y en a qui nous écoutent et si ça peut leur donner envie d’essayer… Moi, quand j’étais à l’école primaire, j’adorais écrire des histoires. On était au CM2… Bon, je fais court, je te promets ! Mais on était au CM2 et avec un copain on écrivait des histoires. Des séries, déjà ! Et on avait eu un succès super au niveau de la classe. Tu comprends, remets-toi… Les têtes blondes, au CM2, on était tout fiers. Et moi j’avais dit : j’aimerais bien écrire des histoires. Et j’avais continué. Tout seul. Mais, avec les années qui ont passé, je n’ai pas eu de mentor, personne qui m’a soutenu. Mes profs de français m’ont dit… Je commençais à avoir des mauvaises notes… Tu vois, je prends mon exemple personnel, mais qui a fait qu’au bout d’un moment, ça m’est sorti de l’esprit. J’ai complètement oublié que j’aimais écrire des histoires et que j’aimais les partager, etc. Et s’il n’y avait pas eu Kindle, s’il n’y avait pas eu Amazon Kindle, je n’aurais, je crois, jamais écrit à nouveau des histoires. Après, elles valent ce qu’elles valent. Elles plaisent à certains, elles ne plaisent pas à d’autres. Mon français est ce qu’il est ; ce n’est pas du Balzac ou du Châteaubriand, mais enfin, maintenant, je m’éclate dans ce que je fais et c’est ça le principal. Donc si quelqu’un veut, et hésite à écrire, il ne faut pas hésiter. Il faut le faire ! Et j’insiste beaucoup là-dessus, parce que ça ne coûte presque rien et sur Amazon, avec Kindle, on peut se tester. On peut rêver. Il faut garder les pieds sur terre, mais c’est possible d’écrire une histoire qui nous tient à cœur et qu’on veut partager.
Cyril. – Oui. Moi, je pense qu’il y a un danger, que tu as réussi à éviter, c’est justement le danger du gros roman. Du roman du xxie siècle, des choses comme ça. Des choses où il y a beaucoup d’enjeu.
Jean-Philippe. – Oui. Exactement !
Cyril. – À la limite, à la fin, ce que tu auras réussi à écrire avec tes différents épisodes, pourra correspondre à un grand roman. Mais tu as simplifié, tu as déconstruit la difficulté, et tu t’es retrouvé à faire des choses qui pour toi étaient plus faciles, même si j’imagine que tu sortais de ta zone de confort, ne serait-ce qu’en passant à la fiction. Donc tu as une double gratification. Tu as à la fois le plaisir d’avoir réussi à faire quelque chose que tu ne te sentais pas forcément capable de faire au début. Et puis la gratification à la fin d’avoir quelque chose qui quand même a du sens ! Dix tomes de La Femme sans peur, neuf tomes pour Les Trois Extases, ça a de la gueule.
Jean-Philippe. – Oui. Enfin, La Femme sans peur, il y aura dix tomes. Pour Les Trois Extases, il y aura neuf épisodes s’il y a du succès. Je ne vais pas non plus, de ce côté-là… Et je partirai sur autre chose. Sur une autre série. Il n’y a pas de souci ! Mais voilà, il faut essayer. La Femme sans peur, pour donner un ordre d’idée, c’est… J’avais commencé, je crois, un peu plus de deux cents pages. Deux cent je ne sais plus combien. Les derniers sont un peu plus longs, parce que je me fais plaisir, un peu, aussi ! Maintenant, j’y ai pris goût. Donc il y a du trois cents pages, un truc comme ça, mais ça reste quand même assez court. Et si tu regardes… Parce que toi, j’ai remarqué, tu aimes bien le côté scientifique, tu as bien le côté nombres, machin, tu vas bien dans ces détails. Alors, dis-moi si je me trompe, mais je crois qu’à part Jacques Vandroux, tous les gros succès ont quand même été des trucs dans ces deux cents, trois cents pages, peut-être, non ? Français.
Cyril. – Oui, les gros livres de 150 000 mots, comme ce qu’écrit Jacques Vandroux, c’est rare. On est plutôt sur des livres qui sont entre 50 et 90 000 mots, donc 200 à 300 pages. Et les succès… En même temps, les gens ont beaucoup plus de difficulté à lire des gros livres que des livres plus courts.
Jean-Philippe. – Oui. Donc voilà : on a tout intérêt… Qui que ce soit a vraiment tout intérêt à écrire un truc court. Quitte à le diviser.
Cyril. – Oui, et puis, en étant plus court, on va un peu plus là où on doit aller. Cette description-là, elle ne sert à rien : on l’enlève…
Jean-Philippe. – Voilà. Il y a des trucs qui ne servent à rien. Et il y a aussi une chose qui fait partie de l’être humain, c’est qu’on se surestime toujours à long terme et on se sous-estime à court terme. C’est-à-dire qu’on voit le livre au bout : allez, c’est parti pour cinq cents pages. On pense qu’on va le faire. Alors que… Il faut faire… On se sous-estime à court terme, on pense qu’on ne va pas pouvoir faire le day by day…
Cyril. – Oui, écrire un chapitre…
Jean-Philippe. – Voilà. Alors que c’est le contraire ! On trouve une routine. Moi, j’explique ça… J’ai expliqué ça déjà plusieurs fois. Ce n’est pas si difficile que ça en fait d’écrire deux cents, trois cents pages… Qui tiennent la route, je ne peux pas dire : c’est chacun son style, mais au moins d’arriver au bout. Beaucoup de personnes se disent : « Je ne vais jamais arriver à écrire », mais si, on peut y arriver. On peut y arriver.
Cyril. – Tu parlais juste à l’instant de routine. Toi, est-ce que tu es un homme qui, avant de lancer ton blog et avant de te projeter dans le développement personnel, est-ce que tu étais déjà quelqu’un de très routinier ou c’est quelque chose qui t’est venu ? Le fait de te fixer, comme ça, des routines qui te permettent d’arriver à ce que tu veux véritablement obtenir ?
Jean-Philippe. – Ben, il a bien fallu. Je n’étais pas du tout routinier. Sur mon blog, j’explique que je suis ce qu’on appelle un scanneur : ça vient d’un terme américain, scanner, la même chose. Des personnes qui ne peuvent pas se focaliser sur la même chose pendant trop longtemps. Alors, ça peut aller de quelques heures à quelques semaines ou quelques mois, voire quelques années (chacun son style) mais moi j’avais pour habitude plus des périodes de quelques mois. Donc aux États-Unis, j’ai appris les méthodes d’habitude. J’ai trouvé ce qui me correspondait le mieux ; je les ai adaptées. Pour pouvoir d’abord sortir un blog ! Parce qu’un blog, il fallait l’alimenter. Surtout au début, lorsqu’on est inconnu. Au début, je sortais trois articles par semaine. Après, deux par semaine. Mais au fil des mois et des ans, c’est du boulot ! Donc il faut avoir une routine. Et ça, ça m’a bien servi comme terrain d’entraînement pour ensuite trouver la bonne routine et le bon rythme pour écrire mes bouquins. Je ne sais pas si tu veux que je détaille un peu sur ma routine…
Cyril. – J’imagine que ta routine, elle est, avec tes aménagements personnels, un petit peu semblable à celle des autres personnes. C’est-à-dire vraiment un environnement déjà contrôlé… Non, vas-y ! Je me tais, parce que justement je ne me permets pas de comparer ! Alors vas-y !
Jean-Philippe. – Alors, moi, je peux écrire pratiquement n’importe où. Mais j’adore écrire dans les cafés, en fait. Chez moi, je n’écris pas, mais ce qui est le plus important pour moi, lorsque j’écris, c’est d’écrire tous les jours avec un nombre de mots fixe. À l’époque, j’ai écrit pendant plus de deux ans, systématiquement, tous les jours, tous les jours, tous les jours : cinq cents mots tous les jours. Bon, cinq cents mots, ce n’est pas grand-chose, mais sur deux ans, ça fait quand même un paquet de mots. À l’époque, j’écrivais pour mon blog et pour La Femme sans peur et pour d’autres nouvelles. C’est un truc que je n’aurais jamais pensé être capable de faire, mais parce que j’avais installé la routine, ça devenait automatique et c’était possible. Et ceux qui peuvent me dire : « Mais alors, où elle était, l’inspiration ? », l’inspiration, elle vient lorsqu’il y a la routine. Parce que si on attend l’inspiration pour écrire un livre, on ne finira jamais un bouquin. À mon avis !
Cyril. – Oui, et puis l’inspiration, elle vient le reste du temps. C’est-à-dire, elle vient entre les moments où tu écris. Parce que quand tu écris, tu t’arrêtes à un moment, mais tu penses déjà un petit peu à ce que tu vas écrire après. De manière un peu subconsciente, inconsciente. Ça vient entre ces moments-là. Mais c’est vrai que c’est bien d’avoir un encadrement qui te permet de développer ta créativité dans certaines bornes.
Jean-Philippe. – Oui. Il faut des bornes. C’est vraiment important. Si on n’a pas… Alors, comme tu as dit, ça peut être un environnement, comme tu dis, contrôlé. Il y a beaucoup de gens. Je crois que la majorité, c’est plus avoir son bureau, son coin, ou quelque chose comme ça.
Cyril. – Pour moi, l’environnement contrôlé, c’est fermer mon navigateur Internet, mon client e-mail, et fermer la porte pour que les enfants ne viennent pas m’embêter ! Mais ça, je peux le faire n’importe où. Là où je dis « contrôlé », c’est justement éviter d’avoir, comme ça, plein de raisons de ne pas écrire.
Jean-Philippe. – Oui, parce qu’on en a tous. Et on en aura régulièrement.
Cyril. – Et elles sont tellement faciles à utiliser, ces raisons !
Jean-Philippe. – Oui. Et après, on va s’en vouloir. Non, mais c’est vrai ! Et après, tu plonges dans une spirale d’autodépression, entre guillemets, et tu ne t’en sors plus et tu n’y arrives plus et après tu pars sur un autre projet et c’est pareil ! Alors qu’une petite routine… Moi, je ne suis vraiment pas quelqu’un de routinier. Vraiment pas, vraiment pas ! Et j’ai peut-être eu du mal, je ne sais pas… Oui, j’ai eu du mal, mais bon…
Cyril. – Donc tu n’es pas tellement différent des autres !
Jean-Philippe. – Non.
Cyril. – Sauf que ta mesure, ce sont les 500 mots. D’autres personnes m’ont dit : « Moi, c’est plutôt un chapitre. Je lis le chapitre de la veille, j’écris mon chapitre, et voilà ».
Jean-Philippe. – Quand je dis 500 mots… Oui, il faut que je m’explique ! C’est le minimum, minimum. Vraiment, il faut que j’écrive 500 mots. Si je n’ai pas écrit 500 mots, je ne sors pas du café, même si mon thé est fini, je continue. Il faut que je sorte 500 mots. Même si c’est nul, il faut que je sorte. Mais très souvent, ce qui se passe… C’est vraiment le minimum et avec l’expérience, tu arrives bien sûr à écrire plus, plus proche de 1 000 mots, et dans ma tête, pour La Femme sans peur, c’est un chapitre, en fait. C’est vraiment un chapitre. À chaque fois. Chaque jour, c’est un chapitre.
Cyril. – On change un petit peu de sujet. On a beaucoup parlé de Kindle, KDP, Kindle Unlimited. Tes livres, ils ne sont pas présents aujourd’hui sur les autres plateformes ?
Jean-Philippe. – Aucune. Sauf au tout début. Au tout début, en 2011, j’étais sur Smashwords. Et après, pour avoir l’exclusivité KDP Select, je les ai retirés. Donc je ne suis que sur Amazon. C’est vraiment un choix délibéré. Tous mes œufs dans le même panier. Donc gros risque ! Surtout lorsque tu vis de ça. Mais pour l’instant, franchement, franchement, franchement, je vois mes statistiques et j’entends ce que me disent les autres : je n’ai vraiment, je pense, aucune raison d’aller… Alors, peut-être que tu vas me convaincre ou m’expliquer qu’il y a de bonnes raisons. Par rapport à ce que me rapporte KDP Select (et KU jusqu’au 30 juin) ça ne valait pas la peine que j’aille mettre, à mon avis, mes livres sur Kobo ou sur Google Play. Mais ça peut changer. Ça va changer, de toute façon ! Tout évolue.
Cyril. – Oui, tout évolue. Non, mais je voulais savoir si c’était une difficulté technique. Puisque c’est vrai que par exemple, iBooks, c’est difficile.
Jean-Philippe. – Franchement, aucune idée. Je n’ai vraiment pas d’idée. Je n’ai jamais regardé. Je savais… À un moment, j’avais peut-être envie de tester Kobo, mais c’était à l’époque où c’était difficile. Et je crois que depuis, c’est devenu très facile.
Cyril. – Oui, c’est devenu très simple. Est-ce que tu regardes de temps en temps sur Google Play, par exemple, et sur Kobo, pour voir s’il n’y a pas des pirates qui ont publié, en se faisant passer pour toi, les livres que tu as écrits ?
Jean-Philippe. – Non. Pas vraiment.
Cyril. – J’en parle parce que c’est arrivé à Jacques Vandroux, malheureusement.
Jean-Philippe. – Oui, j’ai lu l’histoire. C’est triste, mais…
Cyril. – Oui, c’est triste.
Jean-Philippe. – C’est triste. Et bon, je pense que quand même les plateformes vont trouver un moyen, peut-être… S’ils peuvent compter les mots et s’ils peuvent savoir exactement où on s’arrête, ils ne devraient pas…
Cyril. – Oui, ils devraient quand même être capables de savoir si la personne qui publie le truc est bien l’auteur, ou son représentant, ou pas.
Jean-Philippe. – Voilà. Ou si le livre est en double, ou etc. C’est… question de mettre des moyens là-dedans, et je suis sûr qu’on peut y arriver. Donc ça devrait s’arranger, ça, oui.
Cyril. – Alors, sur Les Trois Extases, tu changes aussi un petit peu de style.
Jean-Philippe. – Oui, un petit peu.
Cyril. – De genre, je veux dire. Pas de style, parce que le style, c’est de l’écriture, mais de genre. Tu es plus, quand même, dans un mélange entre 50 nuances de Grey et autre chose.
Jean-Philippe. – Et Da Vinci Code. Oui. J’ai voulu, parce que… Alors, c’est bien simple : c’est une envie. J’ai eu envie de voir, parce que j’avais lu les… J’ai été au courant du phénomène, parce que je reste très branché avec les États-Unis. J’étais au courant des 50 shades, comme ils appellent ça là-bas, et je me suis dit : un tel succès littéraire, j’ai envie de savoir ce qu’il y a dedans. Donc je l’ai lu. J’ai lu les trois volumes, jusqu’au bout, pour voir de quoi il retournait. Ça vaut ce que ça vaut. Ce n’est pas terrible, terrible, à mon avis, au niveau de l’écriture, mais bon, ils ont trouvé leur public. Et je me suis dit : c’est dommage, parce que c’est bien d’aller un petit peu plus dans l’érotisme, les trucs comme ça, pourquoi pas, mais je trouvais ça dommage que ce soit ce livre qui soit devenu un succès. Je pense que ça aurait pu être mieux. Je ne dis pas que j’ai voulu faire mieux, parce que je ne vais pas me jeter des fleurs. Je me suis dit : je vais essayer de faire ça, quelque chose un peu à ma façon. En mêlant un petit peu d’érotisme… Je ne voulais pas aller non plus dans le cru, ce n’est pas mon style. Et comme j’adore les mystères historiques, je me suis dit que ça irait bien ensemble, en mêlant Da Vinci Code, un petit peu, avec 50 shades, les 50 nuances. Et c’est pour ça en fait que j’ai commencé à écrire Les Trois Extases.
Cyril. – D’accord. Donc ce n’est pas non plus très risqué, puisque ça reste une histoire qui est en tout cas dans un genre assez proche.
Jean-Philippe. – Oui. Si ça avait été dans un genre différent, j’aurais pris un nom de plume. Parce que j’écris aussi des bouquins avec d’autres noms. Donc à ce moment-là, j’aurais vraiment séparé et ça aurait paru avec un autre nom, etc. Mais là… J’ai hésité un peu, et puis je me suis dit : non, c’est moi, il y a de moi là-dedans ! J’aime bien tous ces mystères historiques, et les relations. Je voulais voir un peu ce que ça pouvait donner. C’est intéressant. Et puis, comme tu dis, il faut… Pushing the envelop : il faut sortir de sa zone de confort.
Cyril. – Exactement, c’est là qu’on s’amuse.
Jean-Philippe. – Et là, je suis un peu sorti. Bon, je me suis fait bien encadrer aussi, parce qu’il faut travailler toujours avec une équipe !
Cyril. – Oui, alors justement, c’était la question… J’allais en venir là. Aujourd’hui, Jean-Philippe Touzeau, c’est une multinationale !
Jean-Philippe. – Multinationale, ça veut dire quoi ?!
Cyril. – C’est une équipe !
Jean-Philippe. – Oui. Dans ce sens-là, c’est vrai. C’est vrai que je collabore avec des gens pour les couvertures, pour la mise en page… C’est dans le monde entier, oui. Ce sont des gens, et c’est ça qui est génial avec le net, c’est une équipe qui me suit. Alors, ça dépend… Les bêta-lecteurs, les bêta-lectrices, etc. Il y a des gens un peu partout, dans différents pays, qui ont du talent, qui sont beaucoup plus talentueux que moi, par exemple pour les couvertures, et pour moi, la couverture, c’est un point hyper important pour Kindle. Ça ne fera pas un best-seller, mais si elle n’est pas bonne, ça risque de…
Cyril. – C’est très, très important, la couverture. C’est presque plus important que le titre !
Jean-Philippe. – Oui, c’est la première chose que tu vois. Après, tu vois le titre. Moi, dans l’ordre, c’est couverture, et ensuite titre. Donc si tu accroches, tu te donnes une chance de plus que le lecteur clique sur le bouton Achat ou au moins Lire l’extrait. Parce que c’est ça, le but du jeu : c’est qu’il clique. Qu’il te donne une chance… Enfin, que tu aies au moins une chance de leur présenter ton histoire. Donc oui, dans ce sens-là, c’est… Alors, multinationale entre guillemets ! Mais je travaille avec une bonne équipe et je suis très content, et voilà : on continue ensemble.
Cyril. – Donc tu casses un petit peu le mythe de l’autoéditeur indépendant tout seul dans son coin, au fond de la cave, qui fait tout !
Jean-Philippe. – Oui ! Ben, moi, je ne pourrais pas. C’est bien simple, je ne pourrais pas !
Cyril. – C’est tout à fait juste. Il vaut mieux être bien entouré et utiliser les compétences de personnes qui sont plus compétentes que soi pour faire un certain nombre de choses.
Jean-Philippe. – Bien sûr. Alors, après, c’est une question de budget aussi. C’est facile de dire : « Il y a des gens mieux ». Au début, si tu vas voir mes tout premiers livres… Attends voir, oui, c’est ça ! Mes toutes premières nouvelles, les couvertures sont de moi, 100 %. Et elles sont moches. Donc évidemment…
Cyril. – Ne croyez pas aux histoires de princesses.
Jean-Philippe. – Oui. Couverture de moi, ou alors tu peux voir… Oui, les toutes premières nouvelles que j’ai publiées, les couvertures sont 100 % moi. Donc évidemment, il y a une différence quand tu mets un vrai designer derrière. Ça ne veut pas dire que ça ne va pas marcher si tu fais la couverture toi-même, ce n’est pas vrai du tout, mais c’est s’ôter une chance, je pense, de réussir. Une chance supplémentaire. Tu augmentes tes chances. Ça ne veut pas dire que ça va marcher non plus, parce que c’est ça qui fait tout le charme de l’écriture : on n’a pas de recette magique.
Cyril. – Ce qui est important, aussi, c’est que toi, quand tu as commencé à gagner de l’argent avec Kindle ou autre, eh bien une partie de cet argent, tu ne l’as pas utilisée pour toi, mais tu l’as utilisée en réinvestissant dans un designer…
Jean-Philippe. – Exactement ! Oui ! Une grosse partie.
Cyril. – Il y a un mot en anglais, je ne sais pas comment on le traduit en français, c’est bootstrapping.
Jean-Philippe. – Oui, bootstrapping. Alors, je ne sais pas comment non plus. Ne me demande pas à moi ! À la maison, on parle anglais tout le temps, donc le français, parfois…
Cyril. – Toi, tu n’as pas un venture capitalist derrière toi, qui te finance et qui te permet de faire plein de choses.
Jean-Philippe. – Non.
Cyril. – Tu as fait du bootstrapping. Tu as commencé petit, pour grandir au fur et à mesure.
Jean-Philippe. – Voilà. Et ensuite… Et je mets un point d’honneur à vraiment partager… Pas, comme ça, pour faire le beau… Partager ce que je gagne au niveau des royalties, parce que ça donne une chance à d’autres et ça permet d’aider d’autres à faire leur propre truc. Moi, je pense que c’est ça, l’avenir de l’économie. Là, on sort du cadre des bouquins, mais c’est… Comment on appelle ça en français ? L’économie de partage ? C’est ça ?
Cyril. – Oui.
Jean-Philippe. – C’est ça. On va aller vers ça, à mon avis. On va se soutenir les uns les autres. Le capitalisme tel qu’on l’a connu ne va peut-être pas durer une éternité non plus. Il faudra plus compter les uns sur les autres. Et moi, je le fais à mon niveau. C’est tout. Et c’est très bien comme ça. Moi, je trouve que c’est beaucoup plus sympa. On a plus de liberté et on n’est pas obligé de faire des choses qui ne nous plaisent pas.
Cyril. – Merci beaucoup, Jean-Philippe. Où est-ce qu’on peut te retrouver sur Internet et ailleurs ? Si on veut en savoir plus sur toi et te suivre.
Jean-Philippe. – Alors, on va dire… Le blog, j’y suis moins présent maintenant, parce que je n’ai pas… C’était une époque de ma vie, qui a été le tremplin. Je publie toujours des articles, mais beaucoup moins régulièrement qu’avant. C’est revolutionpersonnelle.com, en un mot. Alors, après, où est-ce qu’on me retrouve ? J’ai des pages Facebook, aussi, pour mes différents bouquins. Il y a une page aussi, un website, lafemmesanspeur.com, pour ceux qui veulent être tenus au courant de ce qui se passe. Il y a des pages Facebook pour La Femme sans peur, pour Les Trois Extases, etc. Il y a aussi une série de vidéos, que j’avais faites l’année dernière en septembre. On en parlait hors antenne tout à l’heure. Où je partage un peu plus en détail (vraiment en détail !) mon expérience d’auteur indépendant autopublié. J’explique comment j’ai fait. Et alors si vous voulez vous booster, si vous voulez avoir des conseils… Qui ne sont pas aussi valables, parce que c’était il y a un an et ça évolue très vite, mais il y a toujours des bonnes pages, je pense, allez-y…
Cyril. – Ah, j’ai Skype qui fait des siennes.
Jean-Philippe. – Ah oui ? Tu m’entends ?
Cyril. – Oui. Tu disais : « Allez-y, sur les vidéos ».
Jean-Philippe. – Oui, parce que c’est une série, je crois, de quatorze ou quinze vidéos. C’est assez long, vous pouvez zapper. Mais j’essaye d’expliquer comment ça s’est passé pour moi, comment chacun ou chacune peut aussi y arriver, sortir un bouquin et au moins être publié. Après, le succès, c’est autre chose. Des stratégies, etc. Mais au moins, il faut… Si on a envie d’écrire un bouquin, il faut au moins le faire une fois dans sa vie. Et à travers les vidéos, j’explique pourquoi et comment, etc. Et c’est totalement gratuit, donc profitez-en.
Cyril. – Écoute, merci beaucoup. J’espère qu’on aura l’occasion de reparler de la fin de La Femme sans peur et de la fin des Trois Extases ! J’espère en tout cas qu’on aura l’occasion de reparler de tout ça un peu plus tard.
Jean-Philippe. – Mais bien sûr !
Cyril. – Merci encore une fois.
Jean-Philippe. – Mais c’est moi qui te remercie, Cyril. Merci beaucoup pour cette interview et à bientôt ! Au revoir !
Cyril. – À bientôt. Au revoir.